La littérature est affaire d’écriture avant tout. La chose est entendue de longue date, et continue de l’être. Toutefois, de plus en plus abondamment au cours de son histoire, elle a été aussi l’objet d’une production visuelle de plus en plus riche et variée, à laquelle l’art de la caricature n’a pas manqué d’offrir sa contribution. S’il est un numéro d’Histoires littéraires qui vous le confirmera, c’est bien celui que vous tenez entre vos mains. Après que Jean-Paul Goujon nous a invité à découvrir comment Stéphane Mallarmé s’est retrouvé, en 1876, croqué en personnage d’une rubrique amusante de L’Opinion nationale, faite de saynètes caricaturales figurant des personnages de la vie littéraire, à un moment où le poète n’était certes pas encore au faîte de sa notoriété, Philippe Hamon ordonne ses considérables connaissances dans le domaine de l’illustration et nous offre la primeur d’une réflexion sur les types de caricatures qui touchent à la vie littéraire. Son article constitue une passionnante entrée en matière pour la seconde anthologie documentaire que la revue publie (après celle consacrée à la publicité dans le numéro 82, et avant celle que présentera le numéro 90, dans un an ; le lecteur attentif aux calendriers aura compris que ces numéros un peu spéciaux auront valeur de livraison estivale…).

André Gill, 1885-1886 (Maison Victor Hugo, Paris)

Préparé par David Martens et Emilien Sermier, cet ensemble permet de découvrir ou de redécouvrir la variété marquante des caricatures dont la littérature (les écrivains en particulier, bien sûr…) a pu être l’objet, du XIXe siècle à nos jours, dans la presse le plus souvent. Collectionneur de caricatures de Victor Hugo (en plus d’être le biographe de Juliette Drouet), non content de contribuer à l’anthologie réunie, Gérard Pouchain nous permet de découvrir une collection extraordinairement riche et sans doute sans égale dans le monde. Avec un enthousiasme communicatif, ci en nous présentant quelques-uns des trésors de sa collection, il nous explique avec la jubilation de l’érudit éclairé qu’il est combien, eu égard à la notoriété de l’illustre personnage, tout au long de sa vie publique Hugo a été un excellent client des caricaturistes et que, dès lors, il est possible de reparcourir sa tumultueuse existence à travers ces images. Du côté des « Loisirs de la poste », c’est d’un autre type d’images qu’il est question, à travers une série de lettres inédites de Jean Lorrain à ce photographe des célébrités de la Belle Epoque que fut Albert Taponier. L’auteur de Monsieur de Phocas, autre figure des Lettres aisément caricaturable, et qui n’a pas manqué de l’être, y évoque certaines des photographies dont il a pu faire l’objet au faîte de sa gloire mondaine. Nous rappelant combien la littérature n’est en rien l’affaire des seuls écrivains, Olivier Bessard-Banquy nous livre la deuxième partie du portrait qu’il a consacré à Jérôme Lindon, montrant les différents combats, notamment pour le prix unique du livre qui furent ceux du patron des éditions de Minuit. Dans sa chronique, Olivier Barrot nous invite à redécouvrir l’œuvre de Pierre Bost, qui n’est plus guère connue qu’à travers certains films qu’il a écrits, alors que la diversité des écrits de ce polygraphe semble quelque peu oubliée. Enfin, au rayon des expositions, le lecteur croisera les fantômes de François Mauriac journaliste à Bordeaux, des jeunes gens inventant le surréalisme à Paris (Bibliothèque nationale de France) et quelques fantômes, justement, la Galerie Contretype à Bruxelles, à l’occasion d’une superbe exposition de Philippe Herbet placée sous le signe d’Allan Kardec, dont l’humour n’est probablement pas la première des vertus, mais qui peut cependant prêter à sourire, pour peu qu’on ait l’esprit adéquatement tourné. La rédaction ose espérer qu’au terme de ce numéro, il en ira ainsi des lecteurs de la revue. ..

Sommaire Histoires littéraires n°86