On ne s’émerveillera jamais assez de ce qui peut sortir d’une plume (ou d’un ordinateur). Le sommaire de ce numéro est une invitation à s’en étonner plus que jamais, par la démonstration que la littérature touche à l’infini en jouant, de toutes les façons possibles, avec les mots : en les confondant comme s’en amuse Philippe Didion ; en pestant contre son sort comme René Fallet dans son admirable journal, à découvrir ; en les censurant comme en a souffert Baudelaire, ainsi que le rappelle Jean-Paul Goujon ; en en tressant des guirlandes tendancieuses comme Gasquet provençalisant Cézanne selon Bertrand Tillier ; en en construisant d’époustouflants bibelots à tiroir comme Fourest lu par Paul Schneebeli.
Ces mêmes mots peuvent aussi se faire mots d’amour, souvent poignants, comme ceux que Nelly Kaplan échangea avec Jacques Sternberg. Ils peuvent en outre traduire le souci de ne pas se tromper d’avenir, comme on en sent le souci lucide dans l’entrevue avec Bruno Racine. Et puis on peut s’en délecter en recherchant l’apparition même des moins nobles en apparence, mais combien ennoblis parce que Flaubert ou Stendhal les auront écrits les premiers, comme le souligne Delfeil de Ton, avec jubilation, à  propos de «cons» !
Voilà qui justifie bien que, longtemps après qu’ils ont été écrits, imprimés, lus et médités, on veuille encore en faire commerce, comme le relate notre chronique des ventes, et puis les relire et les étudier, comme les chercheurs que nous lisons à leur tour, ainsi sans fin.

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