Si le portrait de Léautaud orne la couverture de ce numéro d’Histoires littéraires, c’est parce qu’il y est beaucoup question de lui, mais moins pour dire une fois encore son sens des coups qui portent que pour rappeler ses amitiés, réelles ou supposées. Bien réelle, en tout cas, son amitié avec Henri Jeanson – et c’est l’occasion de découvrir un aspect de ce dernier que son personnage ultérieur avait masqué. Mais il s’agit de Léautaud : amitié ou pas, il y fallait du suspense, des malentendus et quelques aigreurs. Le projet d’édition du Journal pour happy few en a fait les frais, on verra comment.
Et l’amitié avec Pierre Perret ? Un récent éclat médiatico-judiciaire y a trouvé la ressource d’un déballage d’une notable quantité d’importance nulle (aurait dit Ducasse). Jérôme Dupuis, le vaillant investigateur de L’Express, en parle à son tour incidemment au cours d’un entretien courageux, où il dit tout le mal qu’il pense des tristes moeurs des diurnales contemporains quand ils ont la vanité de se prétendre auteurs. On ne fera pas l’injure à Stendhal, à Fromentin ou à Flaubert de les confondre avec eux, et le lecteur goûtera le plaisir de se mêler à quelques conversations retrouvées.
Retrouvées aussi les soirées au théâtre de Jacques Vallet, tantôt exaltées grâce à d’inoubliables moments, tantôt mélancoliques à cause d’autres, oubliables ceux-là et tristement perdus. Le plaisir, ici, est celui d’une fraîcheur intacte de la sensation évoquée avec finesse par un piéton du Paris théâtral d’il y a vingt ans. Arpenter les salles des ventes, courir les librairies (celles qui restent), lire les essais tout frais parus ne va pas sans ressemblance avec toutes ces déambulations : les bonnes surprises y côtoient les désenchantements. Mais l’essentiel est bien qu’il y ait toujours des spectateurs, même dans les recoins perdus de la banlieue, comme il y a toujours des chercheurs désireux de faire partager leurs enthousiasmes et leurs déconvenues à des lecteurs toujours curieux.

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