À certaines époques on écrit moins qu’on ne dessine : les romans sont des esquisses, on fait des brouillons de vie future, parfois en rêvassant sur la vie du passé. On s’appelle Rosny Aîné, on est né à cent-cinquante ans d’ici, et on se distingue de ses contemporains en n’ayant pas peur des origines de l’homme, en y voyant un fabuleux gisement où modeler le visage d’une autre société. Il y faudrait des révolutions cathartiques, la fin des hiérarchies, et voilà que les leçons de la préhistoire donnent raison aux élans anarchistes du temps : après le cataclysme, « chaque prairie évoquait les savanes, un bois devenait une forêt, la folle croissance faisant renaître tous les mystères des genèses ».
Pendant ce temps, les anarchistes gribouillent – parmi eux Tailhade – et raturent beaucoup, leur jeunesse potache, leur appartenance maçonnique, les gloires du temps… On se trouve au tournant du siècle, tourniquet culturel où tout ce qui s’écrit hésite entre brouillon et palimpseste gratté, chargé. Nos contemporains n’ont pas de ces étourdissements. Le passé leur est munition critique d’abord, nous montre Christian Prigent, ce qui n’est déjà pas si mal pour des avant-gardes qu’on pensait plus orgueilleuses de leur radicale nouveauté.
N’empêche. On plongerait bien cet automne dans le bouillon de culture fin de siècle, pour trouver, qui sait, le ferment de nos propres visions de l’avenir – armés d’un numéro de HL, éclairés par Michaël Pakenham.
Et ceux qu’origine et descendance de l’homme ennuient n’auront qu’à lire du Rimbaud, dont les manuscrits inédits ne sont pas si courants : offerts en ces pages, à tous ceux que la vente Bérès aura fait rêver.

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