Réclame, publicité, buzz, storytelling… Quel que soit le nom accolé à cette réalité de toujours, la littérature est aussi affaire de marketing : vendre et faire vendre, il faut bien en venir là ou en partir. Tout n’est-il pas une question de prix, ou de Prix ? Complicité plus ou moins frauduleuse, partenariat mutuellement avantageux, promotion de l’idéal littéraire quand même – selon l’inclination éthique ou politique de chacun, on peut en juger de façons bien différentes, sans oublier l’esthétique, qui fait pardonner bien des errements et quelques compromissions. Angoissante question : l’écrivain qui livre un texte mercenaire à tel ou tel commerçant est-il encore celui dont on admire l’œuvre dans son habillage virginal ? Le présent numéro d’Histoires Littéraires ne cherche pas à prendre parti mais avant tout à documenter la question, pendant longtemps peu étudiée de manière approfondie. On saura gré à Myriam Boucharenc et à ses partenaires d’avoir engagé une recherche de vaste ampleur sur le phénomène qui a fait pactiser sacerdoce et négoce, selon le mot de Valéry, qui s’y connaissait. Elle livre dans son entretien sa vision d’une entreprise novatrice qui fait voir dans l’histoire et la sociologie de l’imprimé toute une production demeurée invisible ou ignorée. L’anthologie qui en offre une approche sera, nous l’espérons, appréciée pour ce qu’elle a d’à la fois instructif et divertissant. Dans une contribution approfondie, Marta Caraion cadre la
question en insistant sur ce qui fait le caractère tonitruant de la publicité, entre autres sur le cas exemplaire des inventeurs de la littérature de la prothèse dentaire. Sur le versant noble de l’alliance de la littérature et de l’argent, on ne manquera pas de tirer un coup de chapeau aux Galignani, dont Diana Cooper-Richet, qui en connaît l’histoire à fond, décrit l’admirable engagement philanthropique. C’est l’occasion aussi d’évoquer Cocteau, dont nous publions pour l’occasion un inédit, et qui ne fut pas que le bateleur décrié par certains mais aussi, comme le rappelle David Gullentops, un penseur et un praticien enthousiaste de l’affiche dans ce qu’elle peut avoir de beauté moderne. C’est bien de ce côté également qu’il faut situer Maurice Carême, pour son œuvre et son action toute de générosité, dont François-Xavier Lavenne présente ici le fonds. On n’oubliera pas de relier à cette problématique publicitaire ce que nous rapportent les chroniqueurs des expositions en ligne (Covid oblige au cours des derniers mois…) : il s’agit bien encore de « vendre », mais cette fois de manière toute métaphorique, un écrivain et son œuvre. Quant à la chronique toujours pleine d’alacrité et d’érudition, parfois vengeresse, de Jean-Paul Goujon, ne nous rappelle-t-elle pas comme dans chacun de nos numéros que la question de la « valeur » des œuvres, une fois incarnées dans des manuscrits ou des imprimés, devient l’objet d’une cote tout à fait concrète dès qu’il s’agit de les mettre sur le marché bibliophilique : la Bourse est aussi la vie.
Faut-il souligner encore que cet éditorial n’est autre à son tour qu’un prospectus porteur de l’espoir de susciter des lecteurs et des abonnés ? Merci d’avance à tous ceux qui s’emploieront à nous faire de la réclame, de la publicité, du buzz — et des revenus plutôt que des retours.