Entre le livre et l’esprit, nous hésitons ce trimestre. L’aventure de la numérisation, le cas Google, peut passer pour l’emblème d’un univers littéraire coupé en deux. D’un côté, se rangeront ceux qui croient avec Marcel Schwob que « la survivance est aux petits livres, à ceux qui ont peu écrit » ; ils seront confortés par la carrière et le destin de Zénaïde Fleuriot, prolifique romancière pour jeunes filles, dont on donne ici l’histoire éditoriale ; ils compteront dans leurs rangs Michel Butor, qui nous a livré sa passion du livre objet, le « beau livre », celui qui « tient le coup », face à la rapide circulation du livre de grande consommation.
Que nous font, alors, scanners, bases de données et pages-écrans ? En face, on verra dans l’exacerbation de la rareté et des logiques électives le signe que ceux-là font désormais porter la survie du livre sur tout autre chose que le texte lui-même. De là la mélancolie du bibliophile ? Sauver le livre, quand on a perdu foi en la littérature, au texte qui tient tout seul ? En face, on aimera ceux qui font le chemin inverse, du monde matériel aux espaces spirituels, les écrivains ethnologues qui transmuent une époque en jeux symboliques (Zola, deux fois à l’honneur dans cette livraison), les Mallarmé alchimistes, les actrices en rupture de tréteaux grossissant les bataillons de Dieu. En face on n’a pas peur de Google.
Pile et face sont dans Histoires littéraires ce trimestre. Un inédit de Cocteau pour les réconcilier : « Je demande au père Noël de convaincre l’Église qu’il est le messager qui circule entre le monde invisible et le monde visible – de comprendre que si on le brûle comme une hérésie il importe de brûler les hérétiques, ceux qui croient en sa personne : les enfants (et qu’un bûcher d’enfants n’aurait pas bonne presse). »

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