Les découvertes touchant Raymond Roussel sont rares. Patrick Besnier, qui le connaît comme personne, présente et commente pour Histoires Littéraires une étonnante chronique demeurée inaperçue des chercheurs. On aimerait imaginer Roussel déclamant Locus Solus dans une soirée du Chat Noir. A défaut, on retrouvera dans le tableau que présente Daniel Grojnowski ce qui fut, cabaret et journal, un des ferments les plus remarquables de l’esprit fin de siècle ; bien au- delà de l’anecdote, il en explore toute la portée, marginale mais pas seulement.
Henri Béhar nous fait pénétrer à son tour dans un réseau de sociabilité d’une puissante densité, celui que révèle l’étude des envois signés d’André Breton, témoins d’un système d’échanges plein de subtilité. L’enquête est d’une ampleur documentaire colossale, mais elle ouvre en plus une perspective radicalement nouvelle sur un outil potentiel négligé de l’histoire littéraire. Les correspondances en sont un ressort plus classique mais toujours riche de perspectives éclairantes sur la circulation des personnes, des idées et des textes. Une lettre de Nodier à Herbert Croft fournit ainsi un aperçu, présenté par Jacques-Rémi Dahan, sur les débuts du jeune écrivain. On appréciera par ailleurs tout ce que nous dévoilent Jean-Paul Goujon des échanges entre Fernand Fleuret et le Dr Vinchon à propos d’Apollinaire ou Gunther Schmigalle sur les espoirs sud- américains de Tailhade parlant projets avec Ruben Dario. Quant à Jean Lorrain et Rachilde, c’est de bien autre chose que de littérature qu’ils s’entretiennent, sur fond de sulfureuse amitié, dans une importante correspondance commentée par Philippe Chauvelot. Jean-Yves Mollier poursuit de son côté avec un chapitre Dentu son exploration des figures de l’édition, sous des aspects inattendus. Ici, c’est le Dentu formidable collectionneur d’autographes dont il fait le portrait. Nous retrouvons le 20ème siècle, sans quitter l’édition, avec Jean Paulhan, dont Michael Roelli détaille les textes peu connus où se manifeste son intérêt pour la question du rêve. Claire Paulhan évoque à son tour son grand-père dans l’entretien qui suit, mais c’est avant tout en remarquable éditrice qu’elle nous parle de son parcours et de ses propres rêves.