Des misérables aux maudits et autres bohèmes, la misère semble la mère de la littérature, au XIXe siècle. L’écrivain s’y place aux côtés des pauvres, souvent pauvre lui-même. Ainsi Verlaine : misère subie, vagabondage existentiel, que des amis, confrères et admirateurs ont tenté en vain de pallier en joignant leurs ressources.
C’est l’histoire de ce sauvetage manqué que présentent ici Olivier Roussel et Alain Bernadet, avec les pièces inédites et autographes d’un drame discret et jusqu’ici méconnu. On y découvre un Verlaine aussi pitoyable que touchant, en déroute, bien loin du monde de ceux qui, avec une patience de comptables ou d’administrateurs, s’efforcent de motiver et de retenir le cercle mouvant des donateurs.
Plus heureuse est l’histoire tout à fait secrète, elle, de l’éditeur des Onze mille Verges d’Apollinaire, qui nous mène sur les traces d’un mystérieux couple gérant ensemble une imprimerie clandestine en banlieue parisienne… une trouvaille en forme de carte postale littéraire d’avant-guerre.
D’une guerre à l’autre justement, qu’advient-il des orientations littéraires des éditeurs? Jean-Michel Galland nous propose une étude de cas en s’appuyant sur deux maisons peu suspectes de collaboration, puisqu’il s’agit de Fayard et de Ferenczi, à travers leurs collections de rééditions illustrées, de 1920 à 1950. « Livre moderne illustré », « Livre de demain », des collections qui se voulaient fondatrices de la culture générale bourgeoise des nouvelles générations, et dont l’enjeu idéologique n’était donc pas mince. Nous sommes loin de Verlaine… hormis sur ce point partagé par toutes nos histoires littéraires : le secret, le discret, l’occulté, qui constitue la trame invisible des œuvres !