Au risque de déplaire, on propose ici de commencer l’année par un exercice défendu, désavoué : le sarcasme. Dans quelle époque consensuellement affranchie et définitivement décomplexée vivons-nous pour que cette belle figure de style, sinon de caractère, soit ainsi pestiférée ? Prenez Corbière, mauvais esprit, grinçant dehors, tendre dedans ; prenez Aragon, cet insolent au couteau ; prenez les ventes de manuscrits anciens, dont la lecture vaut le frottage au savon noir pour débarrasser nos yeux des morts follicules qui les voilent : ça renâcle dans les coins, ça ne mâche pas ses mots, en tout cas. « Ne comptez pas que je mêle ma voix à ce tumulte dégoûtant », lâche Claudel qui refuse de participer à la Foire au Rimbaud. Le régime de la boue est absolu, entend-on ici, pour ne rien répéter des grossièretés de Ponge à un admirateur.
Ceux qui se croient en droit de conclure à une telle élévation de l’esprit public que ce genre d’attitude relèverait de l’inutile ou de la pose démodée sont invités à se mettre d’urgence en rapport avec un kiosque à journaux, à consulter les mots-clefs les plus fréquents sur Google – on parie sur bling-bling et Carla – ou à lire Philippe Didion, infra.
Alors ? Alors, il y a bien dans la littérature tout l’amour, la droiture et la franchise que décrit Jean Ristat évoquant Aragon, mais pour nous qui venons après sa mort… En avant, lecteurs, hors du rang,
et ricanons !