Histoires littéraires élargit ce trimestre ses horizons et fait la part belle à la poésie : en 2001, Frank Smith et Christophe Fauchon plaident dans un Propos la cause d’une poésie contemporaine remuante en manque de relais ; en 1892, la cause du vers libre et la reconnaissance de la femme-poète sont au cœur d’une passe d’arme entre Franc-Nohain et Marie Krysinska, sous forme de parodies ironiques qu’a exhumées Seth Whidden. Jean-Paul Goujon apporte à la moisson d’inédits le manuscrit autographe d’un poème inconnu,Esquisse, confié par Fargue à Apollinaire, et dont l’histoire reste mystérieuse. La reproduction dans ce même numéro de six lettres inédites de Verlaine constitue également un événement doublement poétique puisqu’on y voit passer aussi l’ombre de Rimbaud : une des lettres résout l’énigme de l’itinéraire de Rimbaud au début du mois d’avril 1873, une autre a pour objet un manuscrit rimbaldien mythique, celui de La Chasse spirituelle…
Nous restons dans la fin du siècle avec deux voyages parallèles dans les marges du monde littéraire : Céline Keller retrace l’existence de Victor Barrucand, poète et journaliste, de la bohème à l’anarchisme, de la Revue blanche à l’Algérie. Promoteur d’Ibsen, puis d’Isabelle Eberhard, illustré par Valloton ou Lautrec, Barrucand est aussi un passeur, un critique d’art influant tissant des liens entre les arts. C’est à un autre de ces littérateurs de poil et de plume que s’intéresse Éric Walbecq, qui nous ouvre les marges d’un ouvrage où Ernest La Jeunesse, écrivain prolixe et dessinateur talentueux, a croqué tout le monde littéraire de la fin-de-siècle, au total une centaine de portraits inédits parmi lesquels Zola, Heredia, France ou Daudet.
En marge de la littérature, en marge de l’histoire, Pierre Enckell s’aventure dans une forme subtile d’histoire, celle des œuvres orales, en s’intéressant à l’influence exercée, avant même leur publication, par ces Scènes populaires qui rendront célèbre Henry Monnier. C’est aussi d’influence occulte que traite Hélène Maurel-Indart, qui examine la notion de plagiat sous l’angle juridique et littéraire, en plaidant pour la définition d’un critère littéraire du plagiat qui soit juridiquement reconnu.
Enfin Histoires littéraires n’a pas oublié les étrennes de ses abonnés : le tiré à part qui accompagne ce dernier numéro de 2001 rassemble des documents inédits sur Rimbaud, incluant un manuscrit autographe de Larme, l’autographe d’une lettre que l’on ne connaissait que dans une version forgée par Paterne Berrichon, un portrait de la compagne abyssinienne de Rimbaud et l’avant-dernière lettre du poète dictée, de son lit d’hôpital,à sa sœur Isabelle le 3 septembre 1891.