Si les écrivains et autres hommes et femmes de plume sont souvent gens sérieux, ils savent aussi rire (ou, du moins, faire rire d’eux et de certains de leurs tics). C’est sous le signe de la tradition satirique, telle qu’elle a de longue date pris forme dans la presse de langue française, que la présente livraison d’Histoires littéraires se place. Autant dire que grâce à Paul Aron et Jean-Didier Wagneur, qui ont eu l’amitié de nous préparer un petit ensemble sur le sujet, les lecteurs de la revue sont appelés à exercer leurs zigomatiques. Cet ensemble débute après une contribution initiale de Julien Bogousslavsky relative à un exemplaire unique d’un livre, celui du Rodin de Rilke de Lou Andréas Salomé, dans lequel l’auteur prolonge notamment la précédente livraison, qui faisait la part belle aux envois. Il débute par un panorama à la fois complet et informé de la presse en trompe-l’œil dû à Jean-Didier Wagneur, suivi par un article dans lequel Paul Aron montre comment l’imitation de journaux existants peut devenir un vecteur des polémiques politiques. Marie-Eve Thérenty convie ensuite à un bond dans le temps en examinant certaines formes sans doute plus familières au lecteur d’aujourd’hui, avec Actuel, Jalons et Le Gorafi, immédiatement suivi par un entretien avec Sébastien Liébus, fondateur et animateur du Gorafi, réalisé par la même Marie-Ève Thérenty. Le dossier s’achève par un second entretien, mené par Paul Aron et Jean-Didier Wagneur. Ils y interrogent Benoît Prot sur sa collection, unique, de journaux satiriques. En réalité, d’ailleurs, ce dossier ne s’achève pas tout à fait sur cette note, dans la mesure où les deux comparses qui ont conçu ce remarquable ensemble ont en outre commis une considérable bibliographie qui s’emploie à recenser l’ensemble de la presse satirique francophone en Europe. L’ensemble sera publié séparément par Le Lérot. La note d’humeur demeure avec la chronique d’Olivier Barrot, qui présente l’œuvre manifestement trop méconnue de Pierre-Henri-Garni (que la rédaction dans son ensemble ignorait et a découvert avec intérêt en cette occasion…). Pour la troisième et avant-dernière livraison de sa série relative aux discours des éditeurs dans l’espace public, Anthony Glinoer se consacre cette fois aux enquêtes et entretiens accordés par ces acteurs de la vie littéraire à la lois cruciaux et pas aussi discrets qu’on pourrait le croire. Vient ensuite la chronique des ventes sans laquelle cette revue ne serait pas ce qu’elle est grâce aux coups de gueule et de griffes, mais aussi, parfois, aux émerveillements partagés de Jean-Paul Goujon. Au rayon des visites d’expositions, le ton est aux expositions mettant en jeu les images : Christian Dotremont et ses logogrammes à Bruxelles, Nadja de Breton à Rouen et un choix de documents manuscrits choisis pour leur intérêt plastique à Caen. Précédant les recensions à la faveur d’une rubrique récente dans la revue, mais qui a déjà pris l’allure d’une tradition, un entretien conduit par Emilien Sermier permet à Marine Le Bail d’évoquer le travail qu’elle a réalisé au sujet de la bibliophilie entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe.