Un numéro résolument placé sous le signe du méconnu, et de sa découverte ou redécouverte. Plusieurs contributions réunies dans ce numéro 98 d’Histoires littéraires concernent en effet des figures quelque peu oubliées.
Gilles Picq ouvre le bal en évoquant le parcours en France de Tin-Tun-Ling, professeur de chinois de Judith Gautier et figure de relais pour la France littéraire et intellectuelle dans son intérêt pour la Chine et sa culture. Nos lecteurs et lectrices sont souvent de nature curieuse, et une rubrique comme « Les loisirs de la poste » est à bien des égards faite pour répondre à leurs attentes, puisqu’elle propose de découvrir des documents qui n’ont pas été destinés à la publication, et qui sont parfois encore inédits. Martin Borella présente cette fois une lettre, inédite, de Philoxène Boyer relative à une invitation au théâtre finalement annulée, révélatrice du personnage. Si l’attrait des lecteurs pour l’inédit porte en première instance sur les écrivains, les maisons d’édition produisent elles aussi nombre de documents à usage interne et, dans un louable souci de satisfaire l’inclination des lecteurs et lectrices de la revue, Anthony Glinoer et David Martens ont préparé la cinquième anthologie documentaire d’Histoires littéraires en réunissant 25 documents d’archives de maisons d’édition, avec le lot d’insolite que cette formule vaut à la revue depuis plusieurs années désormais. Au rayon des raretés et curiosa méconnues, la chronique des ventes fait souvent fort, et, une fois n’est pas coutume, les catalogues ont répondu aux exigences de Jean-Paul Goujon, particulièrement satisfait de ceux dont il a pu prendre connaissance, et qui lui permettent notamment de citer de passionnantes lettres de Paul Valéry à André Breton. Patrick Désile ensuite poursuit son exploration des cultures visuelles parfois (en réalité souvent…) aujourd’hui méconnues du XIXe siècle, en proposant une deuxième livraison consacrée au panorama et à son histoire. Poursuivant sa galerie de portraits de certaines figures parfois perdues de vue du XXe siècle, Olivier Barrot brosse ensuite un portrait de la figure singulière de François Sentein. Dans un entretien au long cours, Chiara Zampieri interroge pour sa part Sylvie Gouttebaron, de la Maison des Écrivains et de la Littérature, ainsi qu’Inga Walc, de la Maison de Victor Hugo, au sujet des commandes passées par l’institution à des écrivains, révélant la façon dont la littérature est mobilisée par certaines institutions culturelles. Anne-Hélène Frustié livre ensuite la deuxième partie de sa longue étude historique et inédite relative à cette forme de diffusion de la littérature, aujourd’hui passée de mode, qu’a pu incarner le Club français du livre (son travail se déclinera en quatre livraisons). Les visites d’exposition nous conduisent à la Maison européenne de la photographie (avec Annie Ernaux), au Musée Picasso, investi par Sophie Calle, et à la Villa Beatrix Enea (Anglet), qui a mis en valeur les œuvres graphiques et la poésie gasconne de Bernard Manciet. Enfin, en préambule des traditionnelles recensions, Emilien Sermier s’entretient avec Charlotte Dufour de son livre récent sur la « scène » — genre passé de mode et aujourd’hui peu connu — dans la littérature du XIXe siècle.