Le plat de résistance de ce numéro est le copieux Dossier Raymond Schwab, établi et présenté par Guillaume Louet. Il vise à remettre à l’honneur Raymond Schwab (1884-1956), dont l’œuvre multiple n’est pas suffisamment connue. Homme de lettres accompli, doublé d’un savant, Schwab aura sans doute été desservi par son extrême discrétion.
Et aussi parce qu’il s’agit d’un écrivain proprement inclassable. On connaît surtout son La Renaissance orientale (1950), ouvrage capital, mais qui aura dissimulé le reste de son œuvre. La consultation des archives pléthoriques de Schwab et la lecture attentive de toute son œuvre ont permis à Guillaume Louet d’en proposer une vue cavalière, enrichie de documents souvent inédits. Ce Dossier s’articule ainsi en trois volets : une substantielle présentation générale, suivie d’une bibliographie ; le dossier complet d’une polémique au sujet de Sueur de sang de Pierre Jean Jouve ; la description commentée des trois Fonds d’archives Raymond Schwab (Nancy, Versailles et BnF), jamais explorés jusqu’ici. Est ainsi mis en lumière, par-delà le savant, « un humaniste universaliste » (G. Louet), dont l’œuvre publiée et inédite est considérable : contes, roman (Mengeatte), poésie (Nemrod), biographie (Vie politique de Paul-Louis Courier), critique littéraire, critique musical, essayiste (Nancy), poéticien, traduction (Gertrude Stein ; Les Psaumes) et traductologie, recherches orientalistes, directeur de revue (Yggdrasill), etc. Particulièrement intéressante est la polémique avec Pierre Jean Jouve, où intervinrent aussi Paulhan, Joë Bousquet et Jean Ballard (en tout seize lettres inédites). On ne peut que souhaiter que ce remarquable travail pionnier contribue à ce que le soleil des morts se lève enfin pour Raymond Schwab. Suit une étude très précise et bien documentée sur « Montherlant à la croisée des titres », où Pierre Duroisin se livre à une patiente enquête sur les hésitations et changements qui ont présidé au choix des titres de l’auteur. Ce phénomène se produisit dès les tout débuts de l’écrivain, puisque son premier roman en date, Thrasylle devait d’abord s’appeler Narcisse. Pierre Duroisin suit ainsi patiemment Montherlant tout au long de sa carrière littéraire, ce qui lui permet d’observer que ces changements et hésitations (sans parler des titres alternatifs) furent permanents. La remarque s’applique aussi aux ouvrages jamais publiés, comme par exemple Sage comme une image. De Montherlant, on passe à une autre remise en honneur : celle de René Boylesve, qu’Olivier Barrot, dans sa chronique toujours nourrie, nous invite à redécouvrir, sinon à découvrir, en soulignant « la spécificité boylesvienne, toute de sentimentalité extrême et d’incertitude ». De Boylesve, Charles du Bos, cité par Barrot, a pu écrire très justement que « son œuvre demeure un chaînon absolument nécessaire entre L’ Éducation sentimentale et À la recherche du temps perdu ». La Chronique des ventes et des catalogues nous offre, entre autres documents choisis, une lettre inédite de Baudelaire. Quant au cinquième volet de Zigzags de Patrick Désile, il est consacré au Diorama, ce qui nous permet de suivre la vogue de ce spectacle dans les années 1840-1850 et l’écho qu’il trouve dans certains textes de Nerval et de Balzac, comme, pour celui-ci, Adieu et Le Père Goriot. L’habituel À bâtons rompus consiste dans un entretien avec Jessica Desclaux, Barrès dépaysé ?, à propos de son Barrès en mouvement. Dans l’atelier des voyages, ouvrage qui propose une nouvelle lecture de l’écrivain, fondée sur un regard neuf et sans préjugés, et l’exploration de l’énorme Fonds Barrès de la BnF. Le numéro se ferme sur les habituels comptes rendus d’expositions, et de livres reçus.