Entrée en matière placée sous le signe de l’inédit pour cette livraison 103 d’Histoires littéraires. Michel Brix nous présente en effet pour ouvrir ce numéro une version manuscrite redécouverte récemment du poème Cœrulei oculi de Théophile Gautier, initialement publié dans la Revue de Paris et repris dans Émaux et camées. Dans la foulée, Christophe Beaufils nous convie à un autre type de ratures : celui dont certaines figures féminines font l’objet sous la plume du Barbey d’Aurevilly des Diaboliques, à la faveur d’une lecture à la fois subtile et érudite du recueil fameux de récits troublants et empreints de mystère qui a fait la gloire pleine de soufre du Connétable des lettres. Martine Courtois éclaire ensuite un autre mystère : celui qui entoure la rencontre entre Raymond Roussel et Max Ernst et l’achat par le premier du Rossignol chinois du second, collage étrange que nous avons le grand plaisir de faire figurer en couverture de ce numéro : non seulement Martine Courtois en identifie plusieurs sources, mais elle explicite en outre les motifs qui ont pu retenir Roussel dans cet étrange image, qui conjugue des motifs liés à la Grande Guerre. C’est en duo que Stephen et Anne-Françoise Steele se livrent ensuite à un exercice d’histoire littéraire au microscope, en se penchant sur les apparitions diverses et variées de Louis de Gonzague Frick « (et d’autres) » — comme l’indique le sous-titre de leur contribution – dans Le Figaro littéraire de l’année 1951. En ressortent une série d’instantanés en forme de kaléidoscope, qui nous rappelle combien l’histoire littéraire peut, comme toute approche historique, donner corps à une forme d’homogénéité et de cohérence, aussi bien que rendre compte du fouillis de la réalité telle qu’elle va au jour le jour, chaque perspective relativisant l’autre. Vient ensuite le tour de Tanguy Habrand, qui, dans un article documenté et présentant des archives peu connues, nous propose de découvrir un Hubert Nyssen avant Hubert Nyssen et la fondation d’Actes Sud, et comment le directeur d’agence de publicité belge à succès deviendrait, quelques années plus tard, un éditeur de premier plan en France, mobilisant ses compétences et son expérience en matière de marketing au services d’un projet éditorial qui a fait de la maison qu’il a fondée une enseigne essentielle du champ éditorial hexagonal. Olivier Barrot ajoute cette fois Maurice Fombeure et sa poésie à la collection de figures qu’il nous invite, livraison après livraison, à redécouvrir à l’occasion de sa chronique (parution d’un recueil de ces chroniques aux éditions Du Lérot). Patrick Désile poursuit quant à lui son exploration de la place des arts et de l’industrie visuelle à l’exposition universelle de 1900. Chronique des ventes aussi tonique qu’à l’accoutumée de Jean-Paul Goujon, à l’œil aiguisé duquel rien n’échappe, des pépites comme des cornichonneries de prétendus experts que proposent les catalogues. Nous nous réjouissons ensuite du retour d’une rubrique qui avait été quelque peu délaissée ces dernières années, celle dédiée « Aux fonds », avec la présentation de la Lorraine Beitler Collection déposée à la Kislak Library à l’Université de Pennsylvanie, qui comprend le fonds d’archives le plus important d’Amérique du Nord consacré à l’affaire Dreyfus. Le point de vue contemporains sur l’histoire de la littérature sous forme d’entretien avec un écrivain est cette fois le fait de Hamidou Bah, auteur d’origine guinéenne et installé au Sénégal, dont la perspective permet un décentrement par rapport aux formes d’appréhension occidentales de l’histoire littéraire. Cet échange est suivi par celui entre Magali Bossi et Emilien Sermier autour du livre de la première consacré à l’appropriation du haïku dans la littérature française. Comme à l’accoutumée, le numéro se clôt sur un bouquet de comptes rendus de parutions récentes.
