Voilà vingt-cinq ans et cent numéros qu’Histoires littéraires paraît, charriant son lot de découvertes, marquantes ou plus discrètes, et s’efforçant de contribuer à une meilleure connaissance de l’histoire de la littérature en langue française. En ce numéro qui peut apparaître comme l’achèvement d’une période, il s’est agi de marquer une forme de continuité souple, qui a toujours été la marque de fabrique de la revue fondée par Jean-Jacques Lefrère et Michel Pierssens en l’an 2000. Dans ce contexte, une belle place est faite à un auteur du début de la période (de deux siècles un quart, à présent) à laquelle Histoires littéraires est consacrée. Charles Nodier, en effet, se voit particulièrement mis à l’honneur : tout d’abord, Jacques-Remi Dahan se penche non tant sur le séjour de quelques mois de l’écrivain, à la fin de l’Empire, dans l’est de l’Europe, à Laybach et à Trieste, mais bien plutôt sur certaines des principales figures qu’il a croisées en ces circonstances et sur la façon dont elles ont trouvé place ensuite dans ses écrits ; Roselyne de Villeneuve examine ensuite la critique littéraire d’un auteur moins circonstanciel et superficiel sur ce plan qu’on ne le pense habituellement : la cohérence du discours au sujet de ce qu’est la littérature en atteste. Jean-Paul Goujon ouvre ensuite une brève séquence placée sous le signe de Baudelaire, en réunissant quelques « miettes » méconnues relatives à un procès quant à lui bien connu : celui des Fleurs du mal. Baudelaire toujours, quoique de façon plus indirecte, et comme pour illustrer combien l’histoire de la littérature avance pas à pas, dans la confrontation par Catherine Delons, au rayon des « Loisirs de la poste », entre une lettre de Jeanne Duval et une autre, plus ancienne, signée d’une actrice débutante nommée « Berthe », qui pourrait bien être la première. Dans une autre contribution au culte de l’inédit, Eric Walbecq livre ensuite les quelques pages du journal inédit, tenu par Alfred Mortier durant une courte période de sa vie (entre 1896 et 1898), et issu d’une collection particulière. Comme on le voit, l’histoire littéraire est aussi celle d’entreprises qui n’ont pas réellement abouti.
Á cet égard, dans un article documenté et synthétique à la fois, Frédéric Thomas expose la façon dont s’opère un retour à l’ordre après la période de la Commune, à travers des phénomènes conjoints qui se renforcent : dénonciation de la bohème qui a pris part à l’insurrection, introduction d’une taxe sur les journaux qui fournit l’occasion d’un débat sur les responsabilités du roman-feuilleton en matière de morale et, enfin, fictions consacrées aux événements ou les évoquant. Nouvelle histoire d’un projet inabouti dans l’article de Jérôme Mazzariol, qui expose les pièces du dossier d’une histoire éditoriale pour le moins contrariée : celle de la première édition des Contrerimes de Paul- Jean Toulet, dans laquelle le jeune Francis Carco a joué un rôle non négligeable. Concernant l’histoire éditoriale, à laquelle Histoires littéraires accorde depuis sa création une attention soutenue, Anne-Hélène Frustié clôt ensuite sa précieuse étude, en quatre livraisons, de l’histoire du Club français du livre. Patrick Désile poursuit son exploration des dispositifs visuels développés au XIXe siècle, qui ont eu un impact sur nos représentations, y compris la littérature, et qui ont été évoqués par elle : cette fois-ci, place au Panorama-Dramatique. Dans sa rubrique évoquant ses souvenirs de lecture et d’amitiés, Olivier Barrot évoque cette fois Emmanuel Robin, dont l’œuvre lui a été mise entre les mains par Jean José Marchand. Pilier de la revue, et l’une de ses plus anciennes rubriques récurrentes parmi celles actuellement en cours dans la revue, la chronique de Jean-Paul Cîoujon décoche comme à l’accoutumée ses flèches, mais aussi quelques enthousiasmes devant les surprises que réservent parfois les catalogues des ventes. Enfin, selon ce qui est désormais devenu une autre tradition de la revue, plus récente, Émilien Sermier s’entretient avec Jean-Louis Jeannelle au sujet de son dernier livre consacré à un genre dont il est certainement le plus éminent spécialiste aujourd’hui, celui des mémoires. Manière pas si saugrenue pour une revue consacrée à l’histoire de clore un numéro qui, à la modeste échelle de la revue, ponctue une histoire longue, désormais, d’un quart de siècle.