La mode critique est aux avant-textes, aux précurseurs et aux premières ébauches, et Histoires littéraires ne fera pas semblant de chercher à lui échapper, partageant cette préoccupation pour les courants souterrains qui alimentent l’œuvre à venir, ou s’épuisent ou s’égarent avant d’avoir vu le jour. Inventaire : épuisée, la source du Centaure, revue littéraire qui s’associa Gide et Valéry et dont est retracée ici la courte existence ; égaré (par l’histoire littéraire), René Ghil, pour lequel Mathieu Bénezet revendique davantage que des « influences » sur ses contemporains. On n’a égaré en revanche ni Prévert ni les ébauches de ses scénarios, grâce à Carole Aurouet qui en donne l’analyse ; non plus que Lucien Guitry, correspondant de Zola, dont cinq lettres sont révélées ; il s’est trouvé deux Madame Howland dans les cercles littéraro-artistiques de la fin du siècle pour tenir le rôle d’une mystérieuse dédicataire de Proust ; et on a retrouvé même le théâtre du siècle dernier, sous la plume de Philippe Daulnay, qui a vu ressusciter en 2001 le ballet Excelsior au Palais Garnier. Et la revue apporte sa pierre trimestrielle à l’entreprise « Hugo 2002 » avec une chanson de caf’ conc consacrée à « L’illustre Hugo, l’universel poète / Notre mentor et notre précurseur », rien de moins. Souhaitons que cette livraison d’Histoires littéraires à son tour joue les précurseurs, en amorçant de futures recherches : l’article de René Godenne, qui présente un recensement des nouvelles parues entre 1801 et 1899, devrait y contribuer, à moins qu’on trouve l’inspiration dans les libres propos de l’éditeur Claude Durand, ou qu’on préfère s’engager avec Muriel Louâpre dans les espaces critiques encore inexplorés découverts par la géographie littéraire – inventaire ou prospective, nouveauté à tous les étages.

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