Si quelqu’un refusa toujours le cirque médiatique, ce fut bien lui. De ses débuts comme enseignant jusqu’au dernier numéro de sa Quinzaine littéraire, sa trajectoire centenaire reste particulièrement nette, imprégnée de la même foi en la littérature, tout en témoignant d’une attention constante aux luttes politiques et sociales, où il s’engagea très jeune.
Il faudrait évoquer son action dans la Résistance, les débuts au Combat d’Albert Camus et de Pascal Pia, la direction des Lettres nouvelles avec la complicité de Maurice Saillet, et cette grande entreprise, presque cinquantenaire, que reste La Quinzaine littéraire, ainsi que tout son travail d’éditeur. D’autres diront les écrivains, notamment étrangers, qu’il sut découvrir et imposer : Kerouac, Lowry, Durrell, Miller, Perec, Houellebecq, Coetzee et tant d’autres — autant d’exemples d’une curiosité toujours en éveil et des plus perspicaces, comme en témoigne l’entretien qu’il accorda jadis à Histoires littéraires (2000, n° 4). L’homme était solide, d’une grande finesse sous son allure massive. Obligeant et ouvert. Assez discret, aussi, surtout pour quelqu’un comme lui, qui était bien plus qu’un éditeur, qu’un critique littéraire ou qu’un directeur de revue : la littérature même. Qui aura fait plus que lui pour elle ?