Pour entamer une livraison qui fait une large place à la découverte et à la redécouverte, Michel Brix et Jean-Paul Goujon présentent un de ces documents que les hasards de l’exploration dans les fonds d’archives peuvent occasionner : le manuscrit, collé dans un exemplaire du Monde dramatique (périodique fondé par Nerval) conservé à la Bibliothèque universitaire Moretus-Plantin de Namur (Belgique), d’une chanson anonyme tympanisant un certain nombre de personnalités du monde théâtral et littéraire de la Monarchie de Juillet.
Combinant lui aussi l’examen d’archives diverses, Sylvain-Christian David livre ensuite les résultats de la minutieuse et systématique enquête qu’il a menée au sujet de l’enterrement au cimetière de Montmartre d’Isidore Ducasse pendant la période agitée de la Commune, et les déplacements que sa dépouille a subis par la suite. Enquête qui lui permet de conclure que le transfert des restes à l’ossuaire de Pantin est une pure légende. Pierre-Marie Héron se penche pour sa part sur une autre forme d’héritage, moins funèbre<em> sans doute, mais qui n’est pas allée sans conflictualité : la façon dont le façonnage d’une certaine mémoire de la création radiophonique française a été prise en main par Pierre-Schaeffer, et les querelles qui ont pu l’opposer à Jean Tardieu en ces circonstances. Les questions
d’héritage touchent souvent à la nécessité (ou au moins au désir) que soit rendu à chacun ce qui lui revient. Dans cet esprit, la contribution que Patrick Challande et Jean-Paul Goujon formulent de leur côté est l’hypothèse d’une influence possible de l’auteur de science-fiction Patrick Disch sur l’écriture de Michel Houellebecq. Au rayon des loisirs de la poste, Jean-Paul Goujon, encore lui, présente le contexte d’une lettre retrouvée de Charles Cros à une certaine Suzon, dont l’identité demeure incertaine mais qui semble avoir été une proche de l’auteur. Autre personnalité féminine, bien identifiée cette fois : celle d’Antoinette Fouque, au sujet de laquelle Julien Lefort-Favreau et Félix L. Deslauriers proposent une passionnante page d’histoire éditoriale en retraçant le parcours de celle qui fut la fondatrice et l’animatrice des Editions des femmes, une trajectoire atypique en ce que les figures d’éditrices demeurent rares à l’époque de la création de cette désormais illustre maison. Jean-Paul Goujon livre ensuite une chronique des ventes toujours aussi pétillante dans ses enthousiasmes comme vive dans ses coups de griffes. Poursuivant son entreprise de redécouverte de quelques méconnus des lettres qu’il a pu côtoyer, Patrick Barrot nous gratifie cette fois d’un portrait chaleureux d’un nouvel oublié relatif, touche à tout à la trajectoire fascinante, et qui a fréquenté un monde considérable : Nino Franck. Suit un entretien avec une figure marquante des lettres belges de la seconde moitié du XXe siècle : Marcel Moreau. Accordé à Corentin Lahouste en 2016, il semble constituer le dernier entretien accordé par l’écrivain, disparu en 2020. Bien au fait que la littérature ne se réduit en rien à une affaire de textes, Histoires littéraires accueille un autre Patrick, Désile, et lui confie une nouvelle rubrique, consacrée à l’histoire des dispositifs de la culture visuelle et à la façon dont ils ont été appréhendés par les écrivains. La rubrique est inaugurée par des considérations sur une forme aujourd’hui à peu près disparue, celle du panorama. Outre les comptes rendus de publications parues ces derniers mois, Emilien Sermier propose un entretien avec Sylviane Dupuis au sujet de son ouvrage consacré au modèle biblique dans la littérature suisse romande. Amen.