La Vie, toujours recommencée. Car c’est bien de la vie qu’il est finalement toujours question, plus cependant dans ses mystères que dans ses lumières toujours trompeuses – mais comment expliquer autrement qu’il y ait des œuvres ?
C’est au fond de ce malaise fécond que les auteurs du dossier rassemblé par Martine Reid ont traité chacun à sa façon. François Dosse réfléchit ainsi sur un genre d’autant plus impur qu’il touche la vie des philosophes, qui ne devraient pas en avoir. Notre époque postmoderne s’en tire en avouant qu’on ne fait jamais face qu’à des pluralités : Martine Boyer-Weinman le dit – il y a des vies dans chaque vie. Ce qui peut faire rêver à des exercices praticables ou impraticables inspirés des outils conceptuels qui changent, comme le suggère Michel Pierssens. Mais Sophie Hogg-Grandjean nous rappelle qu’à côté des spéculations théoriques sur le genre, des œuvres biographiques existent bel et bien, qu’elle a amenées en quantité à l’existence de manière exemplaire. La grande biographe qu’est É. Bloch-Dano nous offre quant à elle dans son entretien une réflexion pleine d’aperçus stimulants sur un genre qu’elle a enrichi de manière profondément novatrice. Et puis il s’agit bien encore de vie dans l’étude très approfondie de Danièle Leclair sur la bibliothèque de R.-A. Gutmann : une vie par, avec, dans les livres.
On croit tout savoir sur Baudelaire et Zola : D. Paigneau montre ingénieusement ce qui, dans leur critique, les rapproche en les écartant.
Mais c’est avec encore plus de sérieux que Yannick Beaubatie nous conduit à prendre une vie, celle de Fourest, par un biais qu’on néglige à tort : par la barbe. Peut-être faudrait-il l’imiter et chercher partout chez les grands auteurs le destin du poil révélateur ?
Si Fourest fut unique et la barbe son exclusive propriété, c’est à cinquante que se mit en 1920 un collectif plus ou moins dadaïste pour produire une pièce qui ne vit jamais le jour. Stephen Steele nous restitue avec une formidable érudition ce retentissant non-événement.