En société
Carrive. Jean Carrive, André Breton, Robert Desnos, Pierre Picon et Simone Kahn, 1923. Une correspondance surréaliste. Edition de Marie-Claire Dumas & Jacques Fraenkel. L’Étoile de mer. Cahiers Robert Desnos, nouvelle série, n° 9, décembre 2020, 133 p., 12 € (11 rue des Saints-Pères, 75006 Paris). Comme le souligne Marie-Claire Dumas dans sa préface, Jean Carrive (1905-1963) fut « un passant discret » du surréalisme. Adoubé par Breton dans le Premier Manifeste, il sera exclu en 1929 dans le Second Manifeste. Aussi bien ne laissera-t-il point d’œuvre (sauf de nombreuses traductions de Kafka), mais seulement sa signature au bas de déclarations collectives du groupe. La correspondance rassemblée ici s’étale de février à octobre 1923, c’est-à-dire qu’elle se situe avant la formation du groupe surréaliste proprement dit, et plus précisément dans la dernière période de la revue Littérature. C’est justement la découverte de cette revue qui poussa le jeune adolescent bordelais Carrive, qui n’avait que dix-huit ans, à entrer en relations épistolaires avec Breton, lequel déléguera souvent à Desnos le soin de lui répondre, car il se méfiait un peu de lui. Avec Desnos, Carrive peut exprimer librement sa révolte contre la famille, le lycée, l’atmosphère provinciale étriquée, la littérature à la mode et la politique. Il se sent terriblement isolé, réclame des livres et supplie souvent Desnos de lui répondre. Les deux correspondants se découvrent des haines communes : Cocteau, Radiguet, Léon Daudet, Poincaré. « Proust est pour moi le dernier des crétins », lâche Desnos, qui exècre aussi « ce pot de chambre de Max Jacob », tandis que Carrive traite Jules Romains d’« auvergnat pour maison close », et déclare que « Le Diable au corps ou les lenteurs d’un dépucelage est bête comme tout et au- dessous du crétin » et que « Henry Béraud se sert de sa plume comme un Proust de ses excréments : même respect ! ». Il est vrai qu’en même temps, et paradoxalement, il juge « M. Proust un psychologue charmant – de la lignée des plus grands »… Et Desnos de lui faire écho : « Morand, c’est de la merde, Soupault c’est pas grand-chose, […] Tzara ç’a été bien jadis, Mallarmé c’est ridicule un peu mais mieux que beaucoup de choses encore ». Souvent, Carrive se déchaîne avec une verve insensée : « Allons, Desnos,réveillez-vous, reprenez-vous. Enculez tous les chats de votre voisine ou polluez si vous préférez son canari mais, nom de Dieu, ne vous consumez pas dans ce silence. Il y aurait ici à faire d’assez belles choses : enculer (Rostand) Maurice sur notre première scène. […] Est-ce pour pisser dans des clarinettes que j’ai chahuté l’autre jour les flics ? ». Breton, lui, distille ses haines plus froidement : « Baron [est] sans doute une belle petite saloperie et Mr Radiguet en puissance, pas moins ». On ne s’ennuie pas, on le voit, à la lecture de cette correspondance qui contient de nombreux passages piquants, salaces, voire explosifs. Plus retenues sont les lettres de Breton, qui semble craindre une mystification : « vous vous payez agréablement ma tête », écrit-il à Carrive, chez qui il n’apprécie que modérément « un zèle qui [lui] semble bel et bien intempestif ». Il fait donc la moue devant les textes que soumet celui-ci pour Littérature, qui n’en publiera point. Desnos lui-même jugera que Carrive « n’est pas poète » et « a peut-être tort de s’entêter dans le surréalisme ». De fait, ses réponses au jeune Bordelais se font souvent brèves, comme si les très longues lettres de celui-ci avaient fini par le lasser un peu. En août 1923, Carrère viendra à Paris et verra Desnos et Breton, mais la rencontre avec le second sera pour lui une déception, peut-être parce qu’il avait nettement senti une certaine réticence. Il est vrai que les lettres de Carrive, souvent exagérément prolixes, ont un côté brouillon, comme si, sûr d’être lu par Desnos, il y déversait tout ce qui lui passe par la tête. Mais la révolte qu’elles expriment a justement ce même côté brouillon : trop anarchique, elle manque de rigueur. Précisons qu’à côté de celles de Carrive, de Desnos et de Breton se trouvent jointes quelques lettres de Pierre Picon et de Simone Kahn. L’ensemble réuni par Marie-Claire Dumas est remarquablement intéressant, en ce qu’il illustre certains aspects de la vie du groupe de Littérature et montre à quel point les futurs surréalistes pouvaient fasciner un jeune homme perdu dans sa lointaine province. On soulignera enfin la présentation matérielle très soignée et fort belle de ce numéro de L‘Etoile de mer, qui en fait un véritable petit livre.
Livres reçus
Baudelaire. L’Année Baudelaire, n° 24, 2020, Honoré Champion, 135 p., 28€. Ce volume est essentiellement consacré à la « fortune » de Baudelaire critique d’art et comporte en tout neuf articles. Il serait parfaitement homogène, si l’unité du propos critique n’était un peu dérangée par un article dont nous parlerons plus loin. D’un grand intérêt est le « Baudelaire – André Breton » de Jean-Luc Steinmetz, qui souligne que le Pape du Surréalisme s’est surtout limité aux Fleurs du mal et a passé sous silence aussi bien Le Spleen de Paris que Les Paradis artificiels. Il estimait cependant les écrits sur l’art, tout en faisant de nettes réserves sur Delacroix, et de plus nettes encore sur les Journaux intimes et la métaphysique de leur auteur. Aussi bien, conclut Steinmetz, Baudelaire « ne figure donc pas au premier plan dans le panthéon surréaliste ». Dans son étude « Baudelaire dans le miroir déformant de l’histoire de la caricature », Claire Chagniot montre l’importance des divers écrits du poète sur la caricature (il avait même annoncé une Histoire de la caricature, jamais menée à bien), Importance qui n’a pas, même aujourd’hui, été pleinement reconnue. « L’histoire moderne de la caricature fait une place si marginale à l’ensemble formé par les trois articles de Baudelaire », que l’on peut même parler de « l’éclipse de Baudelaire dans l’histoire de la caricature ». Envisageant « la critique d’art de Baudelaire vue par Gautier», Lois Cassandra Hemrock relève que ses écrits sur l’art ne sont nullement ignorés de Gautier dans sa célèbre Préface de 1868 aux Œuvres complètes. Lavant Baudelaire de tout soupçon de réalisme, et exaltant la modernité et l’absence d’antiquité vantées chez Guys, Gautier insiste cependant sur la notion de décadence. On retrouve cette idée dans l’article de Mathieu Vernet, « Les écrits sur l’art, parents pauvres de la première fortune de Baudelaire (1867-1921) », où l’on peut lire que la préface de Gautier « contribue à masquer la modernité baudelairienne au profit de la modernité décadente ». Plus largement, si, durant cette époque 1867-1921, l’image de Baudelaire varie considérablement selon les critiques, il n’en demeure pas moins que « seules Les Fleurs du Mal ont retenu [leur] attention ». Les écrits sur l’art ne suscitent ainsi que des appréciations laconiques, et leur pertinence « n’intéresse pas ». Bref, ces écrits sont « connus du plus grand nombre, mais restent ignorés ». Ce n’est qu’en 1931, avec Marcel Raymond, que leur importance sera enfin reconnue. Quant à Proust, s’il n’évoque jamais ces mêmes écrits, il a néanmoins bien saisi le fond et la nature de la modernité de Baudelaire. Certains points de l’article de Wolfgang Drost, « La critique d’art de Baudelaire lue par les historiens de l’art » peuvent sans doute sembler discutables. On y renouvelle le reproche fait à Baudelaire pour « [s]es réticences et [s]es réserves face à Manet » (reproche déjà présent, d’ailleurs, plus haut, chez Lois Cassandra Hemrock), et d’avoir ainsi « méconnu la force innovatrice de la peinture de Manet ». Il faudrait s’entendre. Comme l’écrivait Pascal Pia, lorsque Baudelaire mourut, Manet n’en était qu’à la première période, surtout influencée par les Espagnols, d’une production qui allait ensuite se diversifier et s’amplifier considérablement. C’est justement dans les années 1864-1869 que commencera cette évolution, avec des toiles comme Le Combat du Kearsage et de l’Alabama et Le Déjeuner dans l’atelier: exilé à Bruxelles, ou mort, Baudelaire ne put évidemment les voir. Mais non, une certaine mode nous assure à présent qu’il n’a rien compris à Manet. À ce compte-là, autant lui faire honte de n’avoir pas salué les débuts de Cézanne ! Et voici un article qui inspire au lecteur une perplexité déprimante : « Fleurs du mal et filles chamelles » de Raphaël Belaïche. Comment a-t-on pu accepter une prose aussi calamiteuse dans une revue aussi exigeante ? Consacré en principe à suivre « le fil suggestif de la figure moulée » à l’époque de Baudelaire, ce n’est qu’une interminable et pédante olla-podrida, qui fait défiler pêle-mêle Grégoire VIl, Pascal, Lacan, Guillaume Curtius, Michel-Ange, Auerbach, Victor Cousin, Dante, Jansenius, Francesco Colonna et moult autres, le tout farci de citations en italien, en latin et en grec, et de références à des articles aussi baudelairiens que « L’écriture dans l’espace public romain » ou « La place du concept de “moyen âge” dans l’historiographie ». Au passage, on trouve opportun de détailler au lecteur le tirage de l’E. 0. des Fleurs du Mal : 20 Vergé de fil, 4 Chine et 1 200 sur papier d’Angoulême… et on nous ressert l’histoire de la saisie et du procès. Confidence pour confidence : tout cela est archi-connu. Dans cette « cérémonie de la confusion », Baudelaire disparaît peu à peu, étouffé sous l’implacable amas des noms propres, des citations et d’un bavardage éperdu. Mentionnons enfin les contributions de Danielle Duga (« Un Baudelaire “naturel” : légumes, fleurs et fruits, exotisme »), de Marjorie Caro (« Armand Fraisse et les poètes ») et d’André Guyaux, « Baudelaire dans la rue », éphémère tableau parisien de l’an 2000.
Colette. Flavie Fouchard, Colette aux frontières des genres. Relire Le Pur et l’impur, Rennes, Presses universitaires de Rennes, « Interférences », 2020, 296 p„ 28 6. « On s’apercevra quelque jour que c’est le meilleur de mes livres », a déclaré Colette à propos du Pur et l’impur. Les commentateurs ne semblent guère s’en être aperçus, préférant répéter ad nauseam de vieillottes platitudes sur Colette et ses chats, sur sa mère, sur la province. C’est dire combien cette monographie comble un vide. On y lira une étude attentive et précise de la progression et de la structuration (passablement problématique) du livre. À cet égard, auraient été bienvenues quelques considérations sur la genèse de l’ouvrage, et notamment sur les modifications intervenues neuf ans après, lors de la seconde édition en 1941, ou sur ce que le manuscrit, conservé à la Bibliothèque nationale, nous apprend de ses hésitations ou « repentirs » : les variantes données dans l’édition de la Pléiade ne sont qu’une sélection, forcément subjective, voire arbitraire. La double dimension du Pur et l’impur- enquête quasi « touristique » sur les diverses manifestations de la sexualité (notamment dans ses formes hétérodoxes et dans les diverses subcultures ou « niches » sociales où elles s’épanouissent) ET quête d’un sens ultime (qui d’ailleurs se dérobe dramatiquement dans la dernière page de l’œuvre) – est clairement analysée. Sont aussi décrites les retorses ambiguïtés du discours : apparemment autobiographique, celui-ci recourt en même temps à des stratégies de retrait ou d’effacement silencieux derrière une sorte de polyphonie des obsédés ou des érotomanes (un singulier avatar de Don Juan, nommé ici « Damien », semble avoir été le point de départ génétique du livre), ou plus généralement de divers êtres soumis à ce que Colette appelle l’« Inexorable », c’est-à-dire la loi des corps désirants, loi aussi puissante que celle de la gravité, une véritable loi de la chute des corps. Hybridant le récit et le dialogue (ce livre est un peu, toutes choses égales par ailleurs, le « Banquet » de Colette), mais aussi tramé d’un riche réseau de métaphores qui lui font parfois frôler la prose poétique, Le Pur et l’impur réserve au lecteur une série de surprises, et esquive toute définition univoque. Le livre de Flavie Fouchard montre ainsi une traversée des stéréotypes, peu à peu invalidés ou contestés, et débusque en Colette une forme singulière d’intelligence de « la vie », qui n’a rien d’« intellectuel » ou de « conceptuel », mais qui témoigne d’une expérience insondable et variée. L’étude s’appuie sur une information impeccable, dont témoigne une opulente bibliographie, et propose aussi, chemin faisant, une sorte de bilan critique ; elle se fait notamment la « passeuse » d’importants et récents travaux anglo-saxons, encore peu connus en France. Elle synthétise divers travaux historiques et philosophiques sur les identités sexuelles, sur les questions de « genre », incertain ou « troublé » et d’« écriture genrée » ou non. Et surtout, elle évite le piège de l’enfermement monographique : elle montre ce qui, dans des œuvres en amont de ce texte, a été préparé ou préfiguré ou esquissé, et ce qui se retrouve dans les œuvres ultérieures, faisant du Pur une sorte de hub textuel vers lequel bien des choses convergent et se reformulent, et à partir duquel d’autres livres semblent comme de nouveaux surgeons, parfois imprévus. Cette double richesse, bibliographique et intertextuelle, aurait été plus aisée à explorer si la tradition du double index avait été respectée : c’est le seul reproche – et l’on conviendra qu’il est mineur – qu’on soit tenté de faire à cette excellente étude…
États-Unis. L’Amérique au tournant. La place des États-Unis dans la littérature française (1890- 1920), s. dir. Fabien Dubosson & Philippe Geinoz, Paris, Classiques Garnier, « Rencontres », 2020, 281 p., 29€. Cet ouvrage collectif indique clairement son sujet et ses enjeux dans le titre. Il s’agit d’examiner la place des « États-Unis », c’est-à-dire de sa littérature, mais aussi de la culture populaire, des images que ce pays fait naître, par les voyages ou l’imaginaire, dans la littérature française. Comme l’explique l’introduction très fournie, co-signée par Fabien Dubosson et Philippe Geinoz, la période de 1890 à 1920 pourrait donner l’impression d’un vide entre deux moments beaucoup plus visibles de réception de la culture états-unienne. Ce serait un vide en trompe-l’œil car plusieurs noms occupent en fait une place essentielle dans les débats et les reconfigurations esthétiques de la Belle Époque. Sans surprise, celui de Walt Whitman apparaît régulièrement dans ces études, en particulier dans le texte d’Amélie Auzoux (même s’il s’agit de montrer que Valéry Larbaud tend à faire de Whitman un Européen, ou du moins un épigone européen), et surtout dans celui de Christine Le Quellec Cottier. Celle-ci examine en détail la relation de Cendrars à Whitman, en s’appuyant notamment sur des correspondances, dont une lettre découverte dans un corpus d’archives encore inédites, qui permettent de préciser un lien qui restait jusqu’ici dans un certain flou intuitif (l’idée d’une « coïncidence » entre le moderne whitmanien et celui de Cendrars par exemple). Le nom de William James, peut-être moins attendu, figure également en bonne place. Philippe Geinoz montre ainsi que l’on peut lire certaines méditations sur l’art d’Apollinaire à partir du pragmatisme de James, clef de compréhension également du Portrait de Gertrude Stein par Picasso (l’idée philosophique que la « vérité vient à l’idée » chez James devient dans le champ artistique celle que l’œuvre travaille, transformant le réel, du moins le regard : la ressemblance est à venir, en sorte que la peinture peut refuser le principe d’imitation sans renoncer à la représentation). Annick Ettlin montre aussi que le pragmatisme de James a sans doute accompagné Paul Valéry lorsqu’il a repensé sa conception de « l’effet », s’éloignant de la théorie d’Edgar Poe pour lui substituer une autre façon de concevoir l’échange littéraire. Cela dit, l’ambition du volume, plus que de corriger l’idée d’un « vide » dans ce moment, idée en effet assez vite balayée, est bien de comprendre le «tournant» qui s’opère dans ces années. Comme l’explique encore l’introduction, il s’agit de la transition entre un avant, au cours duquel l’Amérique, encore lointaine, est assimilée aux grands espaces, à la prairie, au sauvage et au primitif, et un après, lorsque l’Amérique est tout au contraire moderne, industrielle et urbaine. Alors qu’elle était une province de l’Europe, elle deviendra fer de lance de la modernité : au cours de ce tournant, « l’Amérique prend corps et puissance » (p. 10). La date de 1898 n’a pas le même poids en France qu’en Espagne bien sûr pour opérer cette bascule, et c’est plutôt la Première Guerre mondiale qui apparaît comme décisive. L’ensemble du volume s’achève ainsi par le texte d’Alexis Buffet « L’américanisme, marqueur générationnel ou le tournant moderniste. 1917-1920 », qui montre l’accélération qui se produit au terme de la période étudiée. Toutefois, comme le montrent ces études, le tournant qui s’accentue avec la Guerre s’est bien amorcé dès la Belle Époque. L’une des raisons de ce changement est l’augmentation des voyages des Français aux États-Unis, voyages qui les conduisent surtout sur la côte Est et dans les métropoles, comme on le peut le voir dans l’article que Nicolas di Méo consacre au récit de Paul Bourget, Outre-mer (1890). Ce texte, avec d’autres récits de voyage, est aussi
évoqué par Charles Plet, qui étudie plus précisément l’image ambivalente de la jeune fille américaine qui s’y lit. À l’inverse, beaucoup d’Américains viennent ou s’installent en France : c’est le cas d’Edith Wharton, dont Virginia Ricard étudie le propre «tournant» au moment de la Première Guerre mondiale, de la propagation de clichés plutôt négatifs sur les États-Unis à une image beaucoup plus positive des contributions américaines. Une idée fait toujours le lien pourtant entre ces deux grands moments de la réception de la culture états-unienne en France et il semble en lisant ce volume qu’elle soit particulièrement valorisée pendant cette période charnière, peut-être précisément parce qu’elle permet une articulation : l’Amérique, « c’est le pays de l’énergie » (p. 24), et donc un modèle pour sortir de la décadence (avec un discours qui insiste davantage sur les valeurs morales que sur l’esthétique liée à cette énergie). Relevons pour finir quelques grandes tendances qui se dégagent de l’ensemble. L’importance des jugements de valeur et des critères moraux est précisément une caractéristique de la période. À l’enthousiasme que peut susciter cette énergie américaine s’oppose un anti-américanisme dont plusieurs facettes sont exposées. Philippe Roger, spécialiste de la question, étudie ici le roman-feuilleton La Conspiration des milliardaires de Gustave Le Rouge, publié au lendemain de la guerre hispano-américaine, et qui imagine le projet d’invasion de la France par les « Yankees ». Amélie Auzoux montre comment Valéry Larbaud, malgré son travail de traducteur et son grand rôle de passeur, a contribué à diffuser une « vulgate anti-américaine » héritée du XIXe siècle. Sans qu’il s’agisse d’anti-américanisme, la contribution de Charles Plet et celle de Sophie Pelletier, sur la jeune fille également, mais cette fois dans le roman Flirt de Paul Hervieu, montrent ce que le modèle des mœurs américaines, alors jugées plus libérées (et l’on note que ceci s’oppose au préjugé contemporain sur une Amérique puritaine), peut avoir de menaçant. Un autre aspect saillant est l’importance de la culture populaire américaine, comme le montre le regroupement d’articles dans la première partie « Les ressources de la culture populaire ». Il s’agit pour Julien Schuh de montrer comment les symbolistes ont été fascinés par le « Barnum médiatique » et ont su exploiter une forme de « réclamisme », en particulier dans le dense réseau de revues transatlantiques de l’époque. Luca Di Gregorio s’intéresse quant à lui aux deux tournées du Wild West Show de Buffalo Bill, qui sont exemplaires du « tournant » dont rend compte tout l’ouvrage: en 1889-1891, le spectacle, installé porte de Neuilly, intéresse pour l’exotisme de «Guillaume le Buffle», lorsqu’en 1905-1906, au Champ de Mars puis dans une tournée en province, il est objet d’appropriation. La contribution finale d’Alexis Buffet est largement consacrée au cinéma états-unien, particulièrement apprécié par Soupault et Cocteau, et au jazz (ou au rag-time, qui informe le poème de Reverdy ainsi intitulé en 1918). Enfin on soulignera la dynamique transatlantique de l’ensemble. Les revues étudiées par Julien Schuh en sont un exemple, comme le travail de Wharton entre les deux continents. Le riche article d’Anne Reynes-Delobel est particulièrement sensible à cette dynamique multi-directionnelle des échanges. Il montre en effet comment la question de « l’américanisation » travaille la littérature américaine elle-même à cette période, avec une redéfinition du canon et une insistance sur le local, dont Waldo Frank et William Carlos Williams sont des figures emblématiques. Ce travail de renationalisation culturelle trouve un écho dans les revues européennes, notamment celles qui ont une dimension transatlantique, comme le magazine Broom (publié à Rome, à Berlin et à New York), ou la Transatlantic Review. Le volume témoigne donc d’une belle unité malgré la variété des textes. L’idée d’un « tournant » se trouve effectivement vérifiée et l’approche transatlantique est féconde pour le mettre en lumière. La question demeure de savoir s’il s’agit d’un tournant français ou plus largement européen. Le sujet s’avère en tout cas riche, puisqu’il ne s’agit pas seulement d’imagologie, mais bien de dynamiques interculturelles et artistiques complexes.
Huysmans. Aude Jeannerod, La critique d’art de Joris-Karl Huysmans. Esthétique, poétique, idéologie, Paris, Classiques Garnier, 2020, 676 p., 58 €. L’ouvrage d’Aude Jeannerod nous plonge au cœur de la critique d’art huysmansienne pour en offrir une analyse tout à la fois complète, rigoureuse et passionnante, particulièrement précieuse pour tous ceux qu’intéresse l’œuvre de Huysmans. Elle privilégie deux points fondamentaux, les liens entre esthétique et idéologie et les liens entre esthétique et poétique. La première partie de l’ouvrage, « Genre et corpus », relève la gageure de proposer une classification de ses différents sous-genres tout en élucidant leurs multiples hybridations. Cette étude se refuse à superposer le cheminement spirituel de Huysmans et son évolution esthétique, même si la dissociation entre les périodes naturaliste, décadente puis spiritualiste, en justifierait aisément les apparentes incohérences, afin d’en dégager plutôt les constantes. Ce sont d’abord les objets de cette critique d’art qui permettent d’en proposer une classification. Le compte-rendu d’exposition, dont la finalité est à la fois d’évaluer et d’influencer la création artistique, mettent en regard l’art contemporain avec les œuvres du passé, principe qui assure à la critique d’art huysmansienne sa profonde unité. Le critique guide le lecteur comme s’il le tenait par la main et oriente son regard comme son jugement. Mais il étend aussi cette pratique à d’autres genres comme l’ekphrasis, le récit de voyage ou la monographie d’artiste, les laissant s’interpénétrer pour en effacer les frontières. Ce sont ensuite les supports de la critique d’art qui sont répertoriés, ce qui permet de constater que se confondent bien souvent chez Huysmans les postures de journaliste et d’écrivain. Tension « qu’il exploite tantôt au profit d’une esthétique de l’actualité fugitive conçue comme modernité baudelairienne, tantôt en faveur d’une poétique artiste dans une perspective de création littéraire » (95). Pour contrebalancer l’éphémérité du journal, Huysmans publie ses critiques en recueil, afin de leur offrir un support pérenne et en faire des œuvres d’art à part entière. Leur intégration dans le roman brouille plus encore les frontières entre livres et revues et, inversement, remet en cause leur statut de fiction. Il s’éloigne donc de la référentialité pour se rapprocher de la littérarité, notamment lorsqu’il ajoute des éléments absents des tableaux, en inscrivant l’image figée dans une temporalité ou en adjoignant à l’image muette des sons. Ces transpositions narratives deviennent des «fiction[s] critique[s] » (164), dans un mouvement qui conduit de la non fiction vers la fiction et fait de la peinture un modèle d’écriture. Dans une deuxième partie, portant sur « Esthétique et idéologie », Aude Jeannerod montre que le rejet des valeurs de son temps pousse Huysmans à chercher dans l’art une alternative. Une dichotomie, héritée du romantisme, se met en place entre les valeurs bourgeoises – de la rentabilité notamment – et le désintéressement de l’Art pour l’Art. À son sens, la société moderne est essentiellement le fruit de l’économie de marché et de la révolution industrielle, si bien que dominent dans sa critique d’art des valeurs antibourgeoises comme l’anticapitalisme ou la marginalité. Cette contestation, libertaire contre l’autorité et antidémocratique contre la majorité, s’accompagne d’une critique virulente de la modernité et du progrès technique. Remettant en question l’idée de progrès en art, Huysmans érige le passé comme aune à partir de laquelle tout est évalué. Or, ce passé étant aboli, il est nécessaire pour le critique de détacher l’art à la fois de son temps et de toute inscription dans la temporalité. Sa dénonciation du progrès met en relief l’opposition qu’il établit entre la technique et l’Art. Le temps est pensé « non comme continuité mais comme succession d’instants » (404). L’intrication entre esthétique et idéologie aboutit, enfin, à une intrication entre « Esthétique et poétique ». L’influence est réciproque, puisque Huysmans considère la peinture à partir de la littérature, l’évalue à partir des critères littéraires, et, inversement, emprunte à la peinture ses formes et son esthétique. Si bien que critique d’art et création romanesque suivent une même évolution. S’il s’appuie sur l‘ut pictura poesis, il la remet en cause notamment à partir de la question de la lisibilité. C’est ainsi qu’il se fonde sur le naturalisme littéraire dont il transpose les principes au service de la mimesis picturale. L’art, appréhendé à partir de cette poétique, se doit ainsi d’imiter à la fois la littérature et la nature. Se coulant ainsi dans les pas de Baudelaire, il intègre à sa poétique le principe des correspondances, qui lui permettent une fois encore d’établir des équivalences entre peinture et littérature. Enfin, la représentation du divin par l’art inverse sa démarche, car c’est la littérature qui devra prendre pour modèle la peinture, afin de rendre visible l’invisible et sensible l’intelligible. S’il convoque la poétique naturaliste, il s’en démarque quant à sa conception strictement physiologique de l’humain, pour revenir vers la dualité augustinienne du corps et de l’âme, de la matière et de l’esprit. C’est de cette dualité que l’art doit rendre compte, car le sensible offre les signes lisibles de la spiritualité. Le naturalisme donne les moyens de la représentation du spirituel, et l’art pictural peut ainsi rendre compréhensible les mystères de l’incarnation et de l’immaculée Conception, jusqu’alors inaccessibles à la raison. C’est dans son œuvre romanesque que Huysmans s’emploie le plus fréquemment à reprendre ses moyens à l’art sacré, en spiritualisant le naturalisme dans Là-bas et le symbolisme mallarméen dans La Cathédrale. L’unité des arts se voit confirmée par sa « pensée de l’art caractéristique du tournant de la modernité dans laquelle nous vivons encore aujourd’hui » (18). Aude Jeannerod met ainsi à l’honneur tout un pan de la production de Huysmans, assez peu explorée par la critique, et dont elle montre ici toute l’importance. La Critique d’art de Joris-Karl Huysmans réévalue la place de cette pratique dans l’ensemble de son œuvre et a le grand mérite de la présenter de manière exhaustive et d’en présenter les caractéristiques génériques, ainsi qu’une analyse d’une très grande richesse.
Jacob. Max Jacob, Chroniques des temps héroïques, illustrations de Pablo Picasso, Fonfroide-le- Haut, Fata Morgana, 2020, 23 €. Chroniques des Temps héroïques est un livre posthume de Max Jacob, illustré par Picasso, et édité en 1956 par Louis Broder à l’occasion du soixante-quinzième anniversaire du peintre. Accompagnée de vingt-quatre dessins gravés sur bois, trois lithographies et trois pointes-sèches de Picasso, cette première édition à tirage limité (170 ex. sur papier de Montval, 18 x 24) reste rare et coûteuse ; proposé en salles des ventes, le livre atteint toujours une somme élevée. Aussi l’initiative des éditions Fata Morgana est-elle à saluer, car elle donne au lecteur d’aujourd’hui l’occasion de (re)découvrir un genre peu usité chez Jacob, le récit mémoriel. Au cœur des aventures de l’Esprit nouveau, Jacob a toujours refusé d’écrire ses souvenirs ; il a toutefois dérogé à deux reprises à cette règle par des articles très approfondis et documentés (en 1923 pour VanityFair, et en 1927 pour Les Cahiers d’Art). Orateur apprécié, il a évidemment brossé l’histoire des avant-gardes lors de ses conférences. Mais Chroniques, par son amplitude et son point de vue, est un texte qui éclaire d’un œil nouveau l’histoire de la naissance du cubisme et de ces « temps héroïques » qui s’échelonnent de 1901 à 1920. Cette réédition n’est pas un facsimilé ; une seule des lithographies a été reproduite (en couverture) et, sur les vingt-sept autres illustrations, quinze seulement ont été reprises. Cette sélection est fâcheuse : elle contrecarre un tandem d’équivalences colorées entre le texte et l’image destiné à produire un dialogue fécond entre deux univers – celui du peintre et celui du poète. La sélection graphique de cette réédition affecte autant « le dit » que « le vu » ; elle tronque la proposition graphique de Picasso qui n’est compréhensible que dans sa totalité par les alternances de formats, par les différents choix plastiques proposés et leur disposition. La sélection modifie ici l’intention sensible de l’artiste ; à l’exception de deux illustrations en cul-de-lampe placées correctement à la fin du chapitre concerné (chap. Il, p. 42 et chap. III, p. 52), les treize autres sont déplacées, interverties, et les formats non respectés. Par ailleurs, Picasso a placé des illustrations en têtes de chapitre : la réédition les décale en cul-de- lampe au chapitre précédent ou les glisse dans d’autres séquences. Le peintre est un auteur « sous droits » (comme Jacob d’ailleurs), et on peut comprendre la volonté de maintenir un prix accessible pour un ouvrage dont la matérialité, chez Fata Morgana, est toujours recherchée avec élégance, mais un avertissement au lecteur aurait été utile. Tout comme le lecteur aurait été sensible à
une préface nécessaire à un texte très dense – Jacob usant de propos codés, parfois allusifs et même hermétiques ou cryptés, comme lui-même l’a reconnu à plusieurs reprises. Une édition savante, enrichie des notes préparatoires du manuscrit, aurait donc été bien utile à cette réédition. Chroniques des temps héroïques est un curieux livre : d’abord conçu par l’auteur comme une préface à un recueil que Mme Paul Guillaume souhaitait consacrer à son mari (l’important marchand d’art et collectionneur d’art moderne), Chroniques évoque bien autre chose que Paul Guillaume, dont le nom n’apparaît qu’au final du chapitre VIII (p. 119 etsq.). Ce que Jacob va finalement écrire est l’histoire d’une épopée artistique qui concerne Picasso, Apollinaire, Kahnweiler et lui-même. Il n’écrit cependant pas en historien ; son regard affûté lui permet de comprendre le déroulement et les intentions du cubisme dont il est un spectateur privilégié, mais l’auteur s’écarte d’un récit linéaire : la chronologie balise uniquement les souvenirs tendus vers l’accomplissement d’une révolution esthétique décisive. Aussi c’est en affirmant qu’il « [voit] en poète » que Jacob plonge au cœur d’une histoire faite de la matière des hommes qui l’ont fabriquée : « Les anges de Mars ont saigné le Monde pour le durcifier : “Nous avons fait nos tranchées dans le civil !” répond Picasso» (p. 10). Ces «tranchées» se nomment: Esprit nouveau, futurisme «événement mondial » (et ses acteurs : Marinetti, Papini, …), le cubisme qui est une Acropole et son auteur. Jacob entreprend une histoire individuelle, qui peut sembler anecdotique (« les poches de Picasso » qui sont dédaléennes, « le revolver de Picasso », les repas de Marinetti, le rire pouffant d’Apollinaire…) mais elle restitue l’atmosphère d’une époque turbulente au-dessus de laquelle les Dieux ont versé les germes de génies en peinture ou dans les livres « qui sont la décalcomanie sur notre peau des ouvroirs célestes » (p. 19). Jacob se place à hauteur d’une évocation mythique et légendaire et non dans l’espace temporel d’une vérité historique : ainsi Apollinaire est « le plus beau des fils » de la Lune dorée (p. 18), un Soleil (p. 30) ; Picasso « maîtrise son siècle », et autour de lui les amis, Salmon et d’autres « se polarisent » (p. 30) : ses yeux sont « des projecteurs d’émotions fortes» (p.47). Si ses poches sont sacrées, le fatras qu’elles amassent «sont des frontières entre deux siècles » (p. 37 et sq.), ce qui est une manière de désigner le ready-made d’un fourbis devenu marque de génie. Plusieurs anecdotes des Chroniques sont aujourd’hui connues : le vol du portefeuille de Picasso par Manolo, le revolver donné par Jarry – offrande symbolique et mythique d’une transmission au Maître -, les talismans offerts par Jacob à Picasso ou à Fernande, la ruade de coups subies par Jacob au sortir d’un cabaret de malfrats montmartrois… Les lire ou les relire dans la tonalité même de Jacob est réjouissant, le poète usant de rupture de tons, d’ellipses, de cocasseries, qui font des Chroniques l’un des textes les plus curieux sur les avant- gardes, au cours duquel on croise Maurice Raynal, Paul Fort, Dullin, Mac Orlan, Braque, Pierre Reverdy, Apollinaire (et déjà la révélation totalement farfelue – et fausse bien entendue – de sa filiation, qui valut à Jacob tant de déboires en 1938 !), Giono, Céline, Cocteau…Jacob a repris dans Chroniques un certain nombre d’éléments qu’il avait livrés en 1923 dans l’article de l/anityFair; de même, pour ses articles ou conférences ultérieurs, il reprendra plusieurs lignes de force de ce texte-préface. Mais surtout, Chroniques est un texte d’une absolue admiration pour un Picasso démiurge : l’auteur souligne l’universalité de l’homme et de l’artiste dans la continuité logique de ce qu’il écrivait à Armand Salacrou en 1924 : « Je ne gaspille pas le mot génie : je devine ce que ça pourrait être et que je n’ai vu qu’en Picasso encore. Le génie c’est l’instrument de la fatalité, c’est l’émissaire de Dieu, c’est l’auteur de miracles, celui à qui l’ange souffle ou qui devine, c’est le contraire du travailleur qui ne trouve des pépites qu’en piochant ». On lira donc ce texte heureusement réédité magnifiquement illustré par Picasso (même si les troncatures sont très regrettables) en se rappelant cette belle dédicace posée par Jacob sur Le Siège de Jérusalem à un collectionneur anonyme :« En 1914 il était bien naturel que Picasso collaborât à mes livres, car nous ne nous quittions guère de jour, de soir et de matin ». Chroniques des Temps héroïques est l’aventure de cette amitié hors du commun.
Japonisme. Elizabeth Emery, Reframing Japonisme. Women and the Asian Art Market in Nineteenth-Century France, 1853-1914, Londres, Bloomsbury, « Contextualizing Art Markets », 2020, 108 $ (ou 86,40 $ sous format PDF). L’ouvrage appartient à une collection qui, comme son nom l’indique, considère l’histoire de l’art sous un double prisme : économie et contexte. Elle postule que les relations entre la finance et l’art – le marché de l’art- ont un impact essentiel sur la production artistique, sa réception, ses collections. Cerner le contexte qui entoure ce marché (pratiques institutionnelles, réseaux de savoirs, structures sociales, activités de toutes natures autour des collections, stratégies des créateurs, etc.), c’est tout à la fois définir le cadre dans lequel il fonctionne, mais aussi étudier comment et en quoi il s’articule aux discours, y compris littéraires et critiques, pour mieux les démonter. Ainsi, « Contextualizing Art Markets » entend aussi bien renouveler l’histoire de l’art que sortir la discipline de son isolement. Pari doublement gagné par Elizabeth Emery, qui enseigne la littérature et la culture françaises du XIXe siècle à la Montclair State University, dans le New Jersey, et renouvelle ici l’histoire du Japonisme en France. S’inscrivant à la croisée des gender studies et de la théorie bourdieusienne du champ de production culturelle, elle démontre non seulement le rôle prédominant des femmes dans l’émergence du marché de l’art asiatique en France dès le milieu du XIXe siècle, mais aussi comment les discours, la rhétorique ou encore la terminologie (toujours en vigueur) ont visé à réécrire l’histoire de l’art au profit d’individualités qui cherchaient à promouvoir leur statut littéraire et artistique (les Goncourt), valoriser leurs activités commerciales (Siegfried Bing) ou simplement exclure les femmes du champ de l’expertise (les institutions muséales, soutenues par la littérature critique). À partir de la figure de Clémence Lecarpentier (1823-1898), « Gisette », compagne puis épouse du dramaturge Adolphe d’Ennery (1811-1899), qui entreprit une collection d’arts asiatiques dès les années 1840 et fut la première femme à léguer sa collection à l’État (le musée d’Ennery, ouvert en 1908), Éiizabeth Ennery ressuscite ces femmes qui contribuèrent à la diffusion de l’art et de la culture japonaise en France : importatrices et marchandes d’art (Madame Desoye), hôtesses de salons littéraires et artistiques (Judith Gautier, Méry Laurent), artistes (la Princesse Mathilde), collectionneuses, etc., qui bien souvent initièrent les Baudelaire, Goncourt et autres Champfleury, mais aussi des peintres tels Whistler ou Tissot. S’interrogeant sur le silence de l’histoire de l’art sur le rôle pourtant essentiel de ces femmes, Élisabeth Emery analyse les écrits, documents et archives de l’époque pour mettre au jour les différents processus et stratégies (y compris commerciales) à l’œuvre autour de la redéfinition du japonisme : de l’étude de l’art et du génie du Japon, (la définition de Philippe Burty en 1872), il se mue, au XXe siècle, en « Japonisme », productions artistiques influencées par l’art japonais, et tout particulièrement les estampes. Par là, ce nouveau japonisme s’associe à l’avant-garde esthétique (la peinture moderne), devient l’apanage d’hommes experts qui préemptent la sphère publique et le goût esthétique, et renvoie les femmes à la sphère privée, à leurs décors bourgeois et à leurs collections de japonaiseries, les cantonnant ainsi au statut de simples consommatrices d’un phénomène de mode. Au-delà de ses apports, qui nous invite à relire ces écrivains qui se piquèrent de japonisme et à (re)visiter le musée D’Ennery, sis dans l’hôtel particulier de l’auteur des Deux Orphelines, l’ouvrage, solidement construit en quatre chapitres encadrés par deux longues introduction et conclusion, doté d’un index conséquent, et agrémenté de nombreuses illustrations, permet au lecteur de langue française de se repérer aisément. Enfin, la bibliographie bilingue ouvre des horizons anglophones aux chercheurs et aux curieux.
Segalen. Victor Segalen, Œuvres. Édition publiée sous la direction de Christian Doumet, avec la collaboration d’Adrien Cavallaro, Jean-François Louette, Andrea Schellino & Maud Schmitt. Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2020, 2 volumes, 1170 p. et 1284 p., 50 6 chaque. Ces deux volumes sont, autant qu’une consécration, une réparation bien nécessaire, quoique tardive. On ne sait pas assez, en effet, que durant près d’un demi-siècle (1925-1971), Saint-John Perse et Jean Paulhan parvinrent à rendre tabou Segalen chez Gallimard, et s’opposèrent victorieusement à toute réédition. Passons sur ces tristes exploits. La chose la plus frappante à la lecture de ces deux tomes, c’est l’énorme, l’immense travail d’écriture accompli par Segalen durant une quinzaine d’années, du Journal des Iles à Thibet (1902-1918). Dans les œuvres publiées comme dans les textes non menés à bien s’affirment résolument une vocation et un destin d’écrivain. Avec une obstination étrange, mais aussi un dédain absolu des formules académiques, ce médecin de la marine s’enfonça dans l’écriture comme d’autres entrent en religion. Il n’obtint nulle reconnaissance de ses contemporains : un livre aussi extraordinaire que Stèles, par exemple, déconcerta tous ses destinataires (sauf Gourmont), et Claudel, à qui il était dédié, n’en remercia même pas l’auteur. Deux rencontres, deux découvertes marquèrent durablement Segalen et vinrent irriguer son écriture : la Polynésie en 1903, et la Chine en 1909. La liste de ses œuvres montre le poids écrasant de celle-ci dans son inspiration : Briques et tuiles, Stèles, Équipée, Peintures, René Leys, Imaginaires, Le Fils du Ciel, Thibet… Il n’empêche que la révélation du Divers eut lieu en Polynésie, comme on le voit dans le Journal des Iles, puis dans Les Immémoriaux. Ce dernier livre est une œuvre des plus curieuses. D’une lecture parfois malaisée, il est bien moins, dans sa richesse ethnographique, un roman, qu’une sorte d’épopée de la décadence de la civilisation maorie. La critique du colonialisme et des missionnaires y voisine avec de la satire et de la parodie. Il y avait en effet chez Segalen un ironiste, ce qui l’empêcha d’avoir une vision angélique de l’exotisme. La forme si déroutante de ce roman des Immémoriaux explique que, dans Briques et tuiles, l’écrivain ait voulu sortir des cadres du roman, pour se lancer dans un genre nouveau d’essai. Ce faisant, il se situe bien plus du côté des voyageurs et des explorateurs (dont il sait mettre les ouvrages à profit) que des romanciers exotiques comme Loti ou Farrère. Il reviendra cependant plus tard au roman, avec René Leys, mais pour subvertir cette fois-ci le genre romanesque. Dans Briques et tuiles, on assiste à une métamorphose progressive de l’écriture, qui traduit la découverte de la Chine : le texte, de syncopé et fait de notes de voyage au début, se transforme peu à peu en poèmes en prose, qui annoncent Stèles. Remarquable est en effet chez Segalen cette mobilité incessante du genre, qui le conduit du Journal au roman ethnographique, à l’essai hybride, puis aux proses brèves de Stèles, à l’architecture versifiée d’Odes et aux séquences de Thibet-sans parler de ces expérimentations que constituent Équipée, Peintures et Le Fils du Ciel. D’autres textes sont plus particuliers. Dans Le Double Rimbaud, Segalen sépare nettement l’explorateur et le poète, niant ainsi la survie finale du poète arbitrairement affirmée par un Paterne Berrichon. Plus un témoignage qu’un texte critique, Gauguin dans son dernier décor dresse le portrait d’un « monstre », qui fut « divers et excessif ». Équipée renchérit sur le caractère hybride de Briques et tuiles. Ce parcours à travers la Chine définit surtout le voyage comme l’imaginaire confronté au réel, selon un questionnement permanent. La place nous manque pour parler en détail de Stèles, livre qui, aussi bien poétiquement que par son admirable réalisation matérielle, représente une conception révolutionnaire pour l’époque – mieux encore : une date dans l’histoire du livre, et menée à bien par un homme seul. Que dire par ailleurs de Peintures, ce spectacle qui se déroule à la fois comme parade et comme méditation esthétique, et que Segalen qualifie d’« insolite équipée » ? L’écriture y est, dans son mouvement même, d’une originalité extrême. Sans doute est-ce là, avec René Leys et Thibet, le texte le plus novateur de Segalen – Stèles restant à part. Jamais pittoresques ou anecdotiques, les évocations de paysages sont d’une remarquable précision visuelle, mêlant les grandes lignes aux couleurs. Monuments et architectures retiennent toute l’attention du voyageur, lequel se montre par ailleurs extrêmement sensible aux musiques, chants et danses. Les hommes, en revanche, l’attirent moins, sauf quelques individus hors-série comme Maurice Roy, qui deviendra René Leys. Et la plupart des textes nous montrent un être en marche, en mouvement constant, à l’image même de ces grands fleuves chinois qui le fascinent et sont pour lui de « grands éléments naturels ». Ce déplacement permanent se double paradoxalement d’une multitude de détails techniques extrêmement précis, qui ancrent le texte dans le réel le plus concret, selon un rapport incessant à la matière. Il est un autre aspect de Segalen, que nous avons suggéré plus haut, mais qui n’a pas été souvent bien perçu : son ironie. Elle imprègne pourtant nombre de ses textes, dont René Leys et Équipée. On s’étonne ainsi que, dans ce dernier livre, les critiques aient été moralement choqués par les sections XVII et XVIII, sur les porteurs et sur la femme chinoise. Rien d’étonnant : ils ne savent pas lire. Et c’est cette même infirmité qui explique que Segalen ait été si longtemps méconnu, inconnu, méprisé, passé sous silence. L’édition se termine par Thibet, ce long poème éperdu qui est peut-être l’œuvre la plus extraordinaire de l’écrivain. Il s’agit en effet d’une poésie d’un genre tout nouveau, invocation sacrée d’une contrée inaccessible, exaltation se traduisant en formules ramassées, voire saccadées. Se déroulant sous forme de séquences composées de distiques, le poème prend figure d’une Anabase moins rhétorique et plus éperdue : « J’ai vu mieux et de mes yeux vu cinquante grands yaks aux yeux morts, / Rochers asséchant que l’eau abreuve… ». Poème à nul autre pareil, où l’ivresse de la vision presque sacrée est telle, qu’elle se traduit par un long hennissement devant la contrée impossible, à la fois si proche et si lointaine : « À TOI ! Seul Pays vainqueur des cieux ! ». Segalen laisse ainsi une œuvre qui, sous certains rapports, ne ressemble à aucune autre. Nulle fabrication, nul trucage, rien des tics de l’homme de lettres professionnel. Il a écrit pour se trouver lui-même à travers le Divers. Ces deux tomes de « Pléiade » rassemblent ainsi l’essentiel de son œuvre, accompagné d’un vaste appareil critique, avec Christian Doumet comme maître d’œuvre. Les notices concernant chaque texte sont très substantielles, tout comme les notes elles-mêmes. Celles-ci sont notamment, pour tout ce qui concerne la Polynésie et plus encore la Chine, d’une grande précision, aussi bien pour les vocables maoris et chinois que pour l’Histoire, l’ethnographie et la géographie des lieux, et la biographie des personnages évoqués. On doit aussi mentionner, pour le Journal des Iles et Briques et tuiles, les reproductions de nombreuses photographies et dessins de Segalen. Tout cela forme un ensemble à la fois cohérent et particulier, qui permettra à un public plus élargi de découvrir ou de relire un écrivain qui demeura trop longtemps inconnu et occulté. Quelques petits compléments bibliographiques, pour finir. Alors que les diverses bibliographies éparses dans les deux tomes citent un certain nombre de travaux universitaires dont la lecture ne nous apprend rien, on s’étonne de ne pas voir mentionner deux catalogues de libraire qui firent date. Le premier, surtout : celui de l’exposition Segalen De Tahiti au Tibet organisée par Jean Loize et Annie Joly- Segalen en 1944, soit à une époque où nul ne se souciait de l’écrivain. Y étaient présentés, outre de précieux exemplaires des œuvres, nombre de manuscrits alors inédits : une vraie révélation. Le second, qui marque avec éclat la consécration actuelle de Segalen, est le catalogue monographique Victor Segalen, l’Exote de la librairie Pierre Saunier (mars 2010), fort de 229 numéros. Il s’agit d’un véritable livre, contenant nombre d’informations inédites, et où la richesse du contenu n’a d’égale que la pertinence des commentaires du libraire : exemplaires dédicacés, manuscrits de deux poèmes de Stèles, d’un de Peintures et d’un de Thibet, etc. On peut y ajouter le catalogue de la Librairie Les Neuf Muses Stèles (2006), où figura sous le n° 85 une première version, avec d’importantes variantes, de 34 poèmes autographes de Stèles adressés à Gilbert de Voisins. Ce lot passa ensuite sous le n° 358 dans la vente Artcurial du 16 avril 2014 (adjugé 212 600 €), puis dans la vente Aristophil du 19 juin 2018 (n° 1003, non vendu). Il se sera donc pas mal promené, et il est regrettable qu’il n’en soit pas fait état dans la rubrique du « Pléiade » consacrée aux manuscrits de Stèles. Tout aussi regrettable de ne pas voir mentionnées les épreuves corrigées de ces mêmes Stèles, avec envoi à Yvonne Segalen (vente Aristophil, 17 juin 2020, n°489, non vendu). Enfin, dans d’autres catalogues de libraire, nous avons relevé, en guise de complément bibliographique à Gauguin dans son dernier décor, l’édition privée d’une Lettre inédite de Segalen sur Gauguin à Saint-Poi-Roux (Papeete, 14 décembre 1903), tirée à 41 exemplaires, « Aux comptoirs du Pacifique, Hiva-Hoa, 1988 », et, pour René Leys, celle, fort belle, de Maurice Roy, Lettres à Victor Segalen, « Sur les Presses des Lazaristes, Pei-King, 1975 », 81 exemplaires. – Français, encore un effort… davantage d’Hôtel Drouot et de libraires d’ancien !
Trans. Rachel Mesch, Before Trans. Three Gender Stories from Nineteenth-Century France, Stanford, Stanford University Press, 2020, 351 p., 30 $, disponible en version électronique. Les dix- neuvièmistes francophones lisent-ils les travaux de leurs pairs anglophones ? À en juger par les références bibliographiques présentées dans la plupart des essais d’histoire littéraire publiés en France, c’est douteux. Les traductions étant par ailleurs plus que rares, on ne peut guère s’attendre à voir les échanges de lecture se généraliser. La méfiance systémique (osons cette formulation à la mode) à l’égard des courants critiques américains des vingt dernières années (des virus français, pourtant) n’arrange évidemment rien. Le mot « gender » dans le sous-titre du livre de Rachel Mesch fera pour beaucoup office de chiffon rouge. Mais même si l’aversion initiale pour la perspective mise en avant devait être surmontée, c’est dès le titre lui-même que le mot « Trans » risquerait de provoquer des réactions quasi-anaphylactiques. Qui plus est associé à « Before », puisqu’il faut alors s’attendre à une relecture du dix-neuvième siècle qui plaquera rétrospectivement sur la société du passé certaines des fascinations les plus inquiétantes de notre présent pour toutes sortes de grandes ou microscopiques marginalités propulsées au centre de toutes les curiosités. Aux dépens, ce faisant, des œuvres qu’on croyait indéboulonnables. Les statues meurent aussi, disaient déjà Chris Marker et Alain Resnais. Sans doute, mais c’est pour en faire naître d’autres. Faut-il donc se désoler et gémir en répétant que c’était mieux avant ? Mous ne le croyons pas. Du moins pensons-nous qu’avant de condamner il est préférable de s’informer et de tenter de comprendre d’où vient la vague, ce qu’elle apporte et ce qu’elle emporte. Peut-être y a-t-il du bon à prendre dans les nouveautés urticantes et du soulagement à nous débarrasser de quelques vieilleries agonisantes. Notons ainsi d’abord que Rachel Mesch n’est pas une excentrique isolée. Elle est au contraire l’une des figures actuelles les plus en vue du petit milieu universitaire américain spécialisé dans le dix-neuvième siècle français. Malgré la dégringolade générale des études littéraires aux Etats-Unis, entamée depuis de nombreuses années, ce milieu résiste plutôt bien et regroupe quelques douzaines d’enseignants et de chercheurs très actifs, formant un réseau très solidaire. Il faut remarquer que cette galaxie est plutôt jeune et très nettement féminine, ce qui peut contribuer à expliquer les orientations dominantes dans un champ disciplinaire d’où toutes les grandes figures institutionnelles, généralement mâles, se sont effacées dans les dernières décennies. Sancte pater, sic transit gloria mundi. Très largement féminine, la nouvelle génération professante, l’effervescence ambiante aidant, se pose tout naturellement toute une série de questions : où sont donc les femmes dans l’histoire qu’on nous enseigne ? Pourquoi sont-elles passées à la trappe de la réputation ? Où sont leurs œuvres, jamais rééditées ni commentées, au contraire des Niagaras critiques suscités par Balzac, Hugo, Flaubert, Zola, Proust (et c’est pareil pour le XXe siècle), dont les biographes, éditeurs, commentateurs, sont pour l’essentiel des mâles, et dans des proportions écrasantes ? Qu’ont-elles fait et dit d’elles-mêmes en voulant en dépit de tout être auteurs ? Que le mot soit ici au masculin n’est pas sans portée : il recèle en effet toute la tension entre vouloir écrire et vouloir être autre chose que « femme », du moins au sens courant dans la période étudiée par Rachel Mesch. C’est bien cela qui motive avant tout son essai : que signifie pour Jane Dieulafoy, Rachilde et Marc de Montifaud le fait d’être des femmes qui veulent écrire en hommes et pas seulement comme les hommes ? Quel sens cela a-t-il pour le public dont elles bousculent ainsi toutes les représentations ? Pour répondre à ces questions, Rachel Mesch procède en bonne praticienne des culturalstudies. L’outil qui va lui servira pénétrer l’univers parallèle abordé, ce ne sera pas un concept mais un objet : le pantalon. Plus généralement, puissant porteur de sens, c’est le costume masculin adopté par ces trois femmes qui signe leur volonté de manifester leur différence, accentuée par des chevelures coupées court. Ces tenues font l’objet d’une étude minutieuse à partir des photographies et portraits retrouvés, reproduits dans l’ouvrage, pour beaucoup inconnus ou peu connus (on ne reprochera à ces illustrations que de dissoudre leur sujet dans une bien triste grisaille). Cette appropriation (encore un terme à la mode) du masculin avait ses aspects scandaleux pour le public de leur temps mais il ne s’agissait pas d’un acte de simple et pure provocation. C’est ce que Rachel Mesch détaille avec beaucoup de nuance en montrant que, si les démarches se ressemblent, les trois femmes recherchent avant tout un accord avec elles- mêmes – ce qui explique, de façon significative, qu’aucune des trois n’est une féministe au sens que véhicule ce mot aujourd’hui. Un passage de l’ouvrage résume bien cette perspective (nous traduisons) : « Même si Montifaud s’en rapportait à sa propre logique intérieure, elle s’intéressait profondément à ceux qui partageaient sa fidélité à une boussole intérieure, même s’ils devaient être punis pour cela. Cette boussole pouvait parfois les amener à des amours déraisonnables, soit en aimant la mauvaise personne ou en l’aimant de la mauvaise façon, selon les normes de la société ; cela pouvait les amener d’autres fois à écrire sur qui avait aimé de manière différente. Pour Jane Dieulafoy et Rachilde, écrire était une façon de formuler des théories de ce que l’on pourrait considérer comme des identités de genre ou de sexe. La théorie fondamentale de Dieulafoy consistait à mettre le transgenre au service de l’héroïsme, là où Rachilde s’imaginait comme double et tentait de comprendre la relation de l’âme et du corps. Les écrits de Montifaud, surtout les premiers, fonctionnent autrement. Son travail visait à défaire » (p. 258). Si le port du pantalon les fait se ressembler, on voit donc que ce qui intéresse avant tout Rachel Mesch dans ces trois femmes, c’est ce qui les singularise en faisant de leur excentricité quelque chose de plus profond et plus personnel qu’un désir vain de provocation. Où il apparaît que le placage rétrospectif que l’on pouvait redouter est laissé de côté : même si ces personnes sont indiscutablement atypiques, elles ne sont pas simplement gay, queer ou lesbiennes à temps partiel. L’examen de leurs vies (les œuvres ne sont pas traitées du point de vue littéraire) est mené ici avec un vrai souci d’exactitude documentaire, fondé sur des recherches de première main. Même si beaucoup de choses étaient déjà connues à propos de Dieulafoy, de Montifaud et surtout de Rachilde, il restait des points à éclaircir, des cohérences à restituer. La tentative est particulièrement réussie, à notre avis, dans le cas de Montifaud, si facile à caricaturer. Rachel Mesch s’est appuyée pour l’essentiel sur des travaux d’universitaires américaines, ce qui se comprend puisqu’elles ont toute liberté désormais pour s’intéresser à des profils et des œuvres pas du tout canoniques, contrairement à leurs collègues françaises. Bibliographie et index.
Jacques Dupont, Alice de Georges, Jean-Paul Goujon,
Michel Pierssens, Delphine Rumeau, Patricia Sustrac,
Bérengère Vachonfrance-Levet