Conservation, préservation : le printemps venu, et Histoires littéraires n°14 avec, on se prend comme tout un chacun à trier son grenier littéraire. Que garder, que jeter ? Pas les lettres, ni les brouillons, qui nous introduisent au cœur de la pensée de Camus (millésime Nobel) ou dans celle, moins avouable, de Verlaine, comme dans cette lettre inédite qui documente la genèse de fameux stupra à quatre mains… On croyait pouvoir aussi jeter la presse, quelle erreur ! C’est qu’il s’y trouve ces canards légers de fond et lourds de forme qui forgent à force de répétition l’image des écrivains, oui, même et surtout peut-être Victor Hugo, dont Sandrine Raffin nous présente la réception dans la presse du xxe siècle. Il y a davantage cependant que de la nostalgie dans notre intérêt pour la conservation, ce ressort fertile de l’écriture et de l’étude. Écrivains et écritures portent la trace des images et des lectures emmagasinées, telle photo pour Ollier selon Dominique Vaugeois, telle lecture d’enfance pour Céline selon André Hélard. Alors faut-il jeter la collection Breton (motion Lassalle), faut-il réhabiliter Henry Bernstein (motion Daulnay) ? Il faudrait lire surtout ce qu’en pense André Gillois, spécialiste de l’enregistrement et grand témoin de la vie culturelle du premier demi-siècle, qui a connu les deux, et tant d’autres encore, d’Elémir Bourges à Cocteau. Belle matière que cet incroyable panorama de la Belle Époque, pour qui voudrait étudier les jeux et les détours de la postérité. En fait de jeu, c’est surtout un jeu de massacre ; nous l’entendons ainsi, avec les accents de l’immortel auteur de Briguedon roi du café-crème – encore un qu’on avait cru devoir jeter : « Patapoum !… Tacatacata !… Allez les mitrailleuses ! Le 77 ! Le 150 !… Brran ! Brran ! patapoum !… Boum ! V’lan ! Pfuiii ! Tout l’orchestre quoi !… Des rangs qui sont fauchés ! On reste debout tout seul, on ne sait pas pourquoi ! »

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